mercredi 5 mai 2010

Hubert Reeves, Einstein, l’âge et la force des convictions

hubert reeves sur einstein et la force des convictions

Ah, les « dialogues du ciel et de la vie » d'Hubert Reeves à France-Culture, c'était quelque chose hein ? Ah non ne me dites pas que vous avez raté ça, non vraiment vous seriez impardonnables, d'autant plus qu'ils sont toujours disponibles sur le site Internet d'Hubert Reeves et en bouquins aussi (sous les titres Chroniques du ciel et de la vie et Chroniques des atomes et des galaxies).
En lisant Ames et Corps de Nancy Huston (qui ne perd rien pour attendre, rassurez-vous, une promesse est une promesse !), où elle évoque Sartre pour en dire, entre autres, que son premier roman, La nausée, qu'il publia à 33 ans, fut également son plus réussi, j'ai repensé à une série de causeries de Reeves sur Albert Einstein, en décembre 2005. Il y disait d'Einstein, entre autres, que sa carrière comporta deux périodes bien distinctes, « l'une extrêmement fructueuse, l'autre quasiment stérile » : il élaborera, notamment, ses deux grandes théories de la relativité (la restreinte puis la générale) avant 40 ans, en revanche les 30 dernières années de sa vie se révéleront infécondes (en termes de production scientifique). Deux grands hommes, deux grands esprits qui auraient atteint leurs sommets dans leur jeunesse ?
Trop simple. Hubert Reeves évoque la force des convictions. Einstein, dit-il, avait une confiance illimitée en la toute puissance de la rationalité. Pour lui, « le monde est totalement compréhensible en termes de concepts, d'idées claires et de mathématiques. Le principe de causalité règne en maître : une cause produit un effet et un seul (…). Le hasard n'est qu'un alibi camouflant notre ignorance ». Ces convictions lui donnent la force d'établir, seul, des théories qui modifieront « notre vision du temps, de l'espace, de l'énergie et de tous les mouvements provoqués par la force de gravité ». Mais elles le pousseront également, le reste de sa vie, à en ignorer certains résultats.
Car certaines de ses équations ouvrent la voie à la physique quantique que développeront Bohr, Schrödinger, Heisenberg et d'autres, et qui, au grand dam d'Einstein, contient... une certaine dose d'indétermination ! L'accord entre les prédictions quantiques et les résultats de laboratoires est indéniable, Einstein en convient mais ne peut accepter de laisser une part au hasard, comme il ne peut accepter l'idée quantique que la façon d'observer la nature influence les résultats obtenus. Fort de ses convictions, il passera trente ans à tenter (en vain, naturellement) de trouver « une causalité cachée qui permettrait de se débarrasser [de ce] hasard quantique ». « Je ne peux pas croire que Dieu joue aux dés », dit-il au physicien quantique Niels Bohr. A quoi Bohr répond : « Albert, cessez de dire à Dieu comment il doit se comporter ». « Ne me dites pas que la Lune n'existe pas quand je ne la regarde pas », dit encore Einstein à Bohr, qui rétorque : « Comment voulez-vous que je le sache ? ». Ainsi se perdirent, pour la postérité, les trente dernières années d'un cerveau si brillant.
Intéressant, non ? Hum. Mais quel rapport avec l'écriture et en quoi cela nous aidera-t-il à écrire nos futurs best-sellers, me demanderez-vous. A vous de me répondre, cette fois ! Allez, questionnez-vous, décelez ce qui vous englue, relativisez vos convictions et dites-moi si vous trouvez toujours cela hors sujet...

Bonus du post
J'ai employé 9 fois le verbe « dire », conjugué ou non, dans ce court billet. Vous l'aviez remarqué ? Je parierais que non. Et pourtant 9 fois c'est beaucoup ! Oui mais souvent, dire ne se remarque pas. Alors que rétorquer (employé une fois ici), acquiescer, répliquer, approuver, riposter, réfuter et autres arrêtent l'œil. Dans vos dialogues, n'oubliez pas que « dire » souvent suffit, et n'interrompt pas l'essentiel – votre dialogue !

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