mercredi 19 mai 2010

Godard, œuvre et droit de citation

godard film socialisme

Godard n'est pas à Cannes. Son Film Socialisme si, et encore, il n'est pas plus à Cannes qu'ailleurs puisqu'il est disponible sur YouTube en 5 versions accélérées. En tout cas le réalisateur, lui, n'a pas fait le déplacement, officiellement, vous l'avez probablement entendu, en raison de « problèmes de type grec ».
Les Inrocks l'ont rencontré, chez lui, en Suisse. Lisez « Le droit d'auteur ? Un auteur n'a que des devoirs » Jean-Luc Godard, c'est quelque chose !

Comme le titre de cet entretien ne l'indique pas, JLG y parle de bien d'autres choses que du droit d'auteur. Mais c'est de ce qu'il dit de ça que j'ai envie de vous parler.

Godard se dit « contre Hadopi, bien sûr ». Au journaliste qui lui demande s'il ne réclame aucun droit aux artistes qui prélèvent des images de ses films, il répond « Bien sûr que non ». Il revendique d'ailleurs un droit à la citation, plaidant : « En littérature, on peut citer largement. Dans le Miller de Norman Mailer, il y a 80 % de Henry Miller et 20 % de Norman Mailer. En sciences, aucun scientifique ne paie des droits pour utiliser une formule établie par un confrère. Ça, c'est la citation et le cinéma ne l'autorise pas ».
Vous commencez à me voir arriver là, non ? Évidemment, le problème des droits d'auteur se pose quand on tient un blog. Vous aurez remarqué que je m'autorise les citations, je m'autorise également à illustrer mes billets par des images dont j'ignore le plus souvent les crédits. Lorsque Wikipedia, Google Images ou Flickr m'informent que des visuels sont sous licence creative commons, c'est-à-dire réutilisables à des fins non commerciales, cela ne me permet ni d'être certaine que tel est bien le cas, ni d'être certaine que mes petits assemblages de 2 ou 3 images, toujours redimensionnées, souvent coupées, retouchées, recadrées respectent cette licence.
Oui mais, ce blog n'a aucune visée commerciale, n'affiche ni pub ni liens potentiellement lucratifs, est ouvert à chacun sans que j'aie l'impression d'y complètement sortir d'un cadre privé. Ça ne me semble pas vraiment autre chose que de récupérer un logo « flower power » et le coller sur un sac que je porte à l'épaule dans la rue, ou de faire un karaoké sur un morceau de Grease à un mariage, or ça qui me le reprocherait ? Il me semble pourtant moins nuisible de pratiquer le pillage d'images et la citation sur un blog confidentiel que d'infliger à tous du flower power ou  un pastiche de Grease... non ?
En tout cas Godard ne m'en tiendrait sans doute pas rigueur, puisque, à propos de pillage, il dit : « des gens le font, mettent ça sur Internet et en général c'est pas très bon... Mais je n'ai pas le sentiment qu'ils me prennent quelque chose. »

Ouf. Tout ça pour justifier que ce blog ne respecte pas le droit d'auteur.

Vous remarquerez que le contenu de ce blog n'est pas davantage protégé par un quelconque droit d'auteur. Quand j'ai commencé à y écrire, on m'a conseillé d'y faire figurer un copyright, on m'a fait remarquer que je passais du temps à écrire ces billets, que cela représentait du travail, que je ne devais pas me laisser piller, qu'il fallait faire respecter mes droits.
Quels droits ?
« Un auteur n'a aucun droit. Je n'ai aucun droit. Je n'ai que des devoirs. », dit Godard. Godard, celui du Mépris et de Pierrot le fou, celui des Histoire(s) du cinéma et de Allemagne année 90 neuf zéro. Si un auteur tel que lui n'a aucun droit, à quoi pourraient prétendre mes posts sur mon blog ?

Lire-pour-ecrire continuera donc à tout ignorer de tous types de droits d'auteur !

Soit. Mais alors... et pour nos best-sellers ? Car là c'est autre chose, un best-seller ce n'est pas un post sur un blog, c'est, allez, osons le dire, une œuvre !
« Non », répond Godard. « L'œuvre, je n'y crois pas ». Bon, je suis malhonnête, en fait si, il admet qu'il y a des œuvres, c'est à « l'œuvre dans son ensemble, le grand œuvre » qu'il ne croit pas. Mais ça n'y change rien, déjà parce qu'il y a de la marge avant qu'on soit en mesure de qualifier d'œuvres nos futurs succès littéraires, pas vrai ?, et aussi parce que, quand bien même, Godard dit encore qu'il « ne devrait pas y avoir de propriété des œuvres ». C'est aussi simple que ça.
Reste qu'un best-seller ça sert aussi, espère-t-on (et espèrent éditeurs et diffuseurs), à rapporter un peu d'argent.
Nul copyright ici donc, mais en ce qui concerne nos best-sellers on s'en tiendra peut-être au principe de réalité.
Principe qui a rattrapé Godard, puisque son distributeur ne l'aura pas laissé libre d'adapter le temps de distribution de Film Socialisme à son temps de production : le tournage s'est étalé sur 4 ans, Godard aurait aimé se donner un temps tout aussi adéquat pour la distribution. Il imaginait former au parachutisme un jeune couple « qui soit un peu lié au cinéma », les expédier aux quatre coins de France diffuser une copie et enquêter sur les réactions, sonder ainsi progressivement l'accueil fait au film. Au lieu de quoi : une sélection à Cannes, et une sortie simultanée en salles de cinéma et sur un site Internet de vidéos à la demande.
Dommage ?
Bah, il nous faut simplement accepter le fait que les distributeurs ont leurs propres problèmes de type grec...

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