mercredi 29 septembre 2010

My life as a man, de Philip Roth


L’histoire
Variations autour des efforts de Peter Tarnopol pour être un homme, ce qui ne semble pas évident, dans l’Amérique des années 60, quand on est un juif trentenaire sous thérapie, empêtré dans un divorce et des désirs de femmes.

Ma lecture
Encore une lecture fort à propos, qui me permet de poursuivre ma petite réflexion sur la question du narrateur le plus approprié pour raconter une histoire. Par choix ou nécessité, les héros de L’Invisible de Paul Auster transitaient du « je » au « tu » puis au « il ». Ceux de Ton aile de Benoît Charuau passaient allègrement et, semble-t-il, spontanément du « je » au « vous » au « nous » au « eux ».
Cette question de la personne narratrice et de la nécessité de biaiser pour se raconter est plus capitale encore dans My life as a man de Philip Roth. Dans une première partie, on suit l’histoire de Nathan Zuckermann, rédigée à la troisième personne. Une deuxième partie poursuit ce récit sauf que désormais Nathan Zuckermann s’y exprime à la première personne, altérant au passage une bonne part de ce qui nous avait été dit jusque-là. Enfin dans une troisième et dernière partie on apprend, de la bouche de Peter Tarnopol, s’y exprimant à la première personne, que les deux premières parties n’étaient que des tentatives pour comprendre par l’écrit le drame de sa propre vie – Nathan Zuckermann étant son double de fiction. La mise en abîme est plus troublante encore quand on sait que ce récit, toutes parties confondues, est très largement autobiographique : Philip Roth s’analyse et tente de démêler sa vie en s’inventant un double de papier (Peter Tarnopol), qui lui-même s’analyse et tente de démêler sa vie en s’inventant un double de papier (Nathan Zuckermann, qui sera le héros de bon nombre de romans ultérieurs de Philip Roth). Pourtant, au bout du compte, nous dit Philip Roth citant Simone de Beauvoir, « on ne peut jamais se connaître, mais seulement se raconter ».
Et qu’importe si les tentatives de Roth/Tarnopol de mieux se comprendre en se racontant échouent, le bouquin n’en est pas moins délectable, original, drôle et superbement écrit (m’a-t-il semblé : comme chaque fois que je lis en anglais mon point de vue est encore plus à nuancer que d’ordinaire…). La construction intrigue et amuse ; le découpage en trois parties de narrateurs, styles et propos distincts ne nuit en rien à la continuité ; et le style est relevé d’un implacable humour à la Woody Allen (My life as a man date de 1974, époque des premiers grands Woody Allen, et Roth partage avec Allen de très fréquents dialogues avec le psy, mais aussi une complexité des rapports aux femmes, l’autodérision et l’intellectualisation).


Pour mon best-seller, j’en retiens que :

Je présenterai mon personnage.
C’est-à-dire que je dirai « Nathan Zuckermann est un jeune garçon » au moins une fois avant de m’autoriser à parler indifféremment de « Nathan », de « Zuckermann » et « du jeune garçon ». C’est admirable d’éviter les répétitions, encore faut-il que le lecteur ait la possibilité de comprendre qu’on parle d’une seule personne et pas de trois différentes avant la quarante-sixième minute de lecture ! (soit le temps qu’il faut à la lectrice bretonne de base pour lire 4 pages denses dans un anglais exagérément littéraire…)

J’adopterai l’écriture à narrateurs multiples.
A plus forte raison si j’écris mon autobiographie, et que mon alter-ego de papier lui-même écrit son autobiographie. Car cela me permettra d’écrire absolument ce que je veux. Par exemple d’écrire, à la façon d’un Tarnopol/Roth, que je ne suis que l’innocente victime de gens malfaisants, que ma famille est parfaite et que mon destin aurait dû l’être. Et que si mon psy et mes ex, à qui je laisse parfois la parole, n’en pensent pas tant, ils sont forcément dans l’erreur ! Je resterai ainsi droite dans mes bottes – tout en autorisant/incitant mes lecteurs à me moquer, en lisant les points de vue de mes contradicteurs.

Je donnerai la clé d’une pub tv multi-diffusée.
Allez, avouez, vous prétendez vous défendre en anglais mais comme moi vous vous êtes écorché oreilles et méninges sans parvenir à comprendre ce que John Malkovitch peut bien dire à Georges Clooney aux portes du Paradis dans la pub Nespresso ! Vous avez compris qu’il lui disait de « make » un « guess », mais quel type de guess, alors ça ! « Make an imaginative guess » ai-je cru entendre la première fois, avant de réaliser à la deuxième écoute que ça ne collait pas. Alors quoi ? Rrr… ça m’a titillée des semaines !! Et voilà que Philip Roth me donne la réponse, en écrivant, page 215 : « As for Joan, it was Spielvogel’s educative guess that (…) ».
Educative ! ahAh ! C’était donc ça ce mot caché entre « make an » et « guess » ! « Make an educative guess », mais bien sûr ! Eh ben ça va tout de suite mieux, non ?

>> My lyfe as a man, Philip Roth, Vintage, 2005 (réédition, 1ère édition 1974), 336 pages.


Citation-bonus : quand un écrivain sous analyse écrit sur l’écriture et l’analyse…

His self is to many a novelist what his own physiognomy is to a painter of portraits: the closest subject at hand demanding scrutiny, a problem for his art to solve – given the enormous obstacles to truthfulness, the artistic problem. (…) The artist’s success depends as much as anything on his powers of detachment, on de-narcissizing himself. (…) [Freud] studied his own dreams not because he was a “narcissist”, but because he was a student of dreams. And whose were at once the least and most accessible of dreams, if not his own?
Ce n’est qu’un court extrait, vous pouvez en lire beaucoup plus en page 240. Je précise tout de même que My life as a man ne prouve en rien que, tout formidable que soit son talent d’écrivain, Philip Roth soit parvenu à un tel détachement, à un tel dé-narcissisme…

samedi 25 septembre 2010

Soleil levant sur son chemin, de Benoît Charuau


L’histoire
Basile cherche, se questionne : est-il lui ?, est-il lui et cet autre lui à la fois ?, peut-il y avoir un autre lui que cet autre-là ?, est-il tout le monde ou alors est-il seul ? Seul, Basile ne l’était certes pas à la naissance : quelques minutes après lui arrivait Axel, son jumeau…

Ma lecture
Les héros du premier roman de Benoît Charuau, Ton aile, dont je vous parlais tout récemment, cherchaient la faille pour s’envoler de leur cage. Le héros de son deuxième roman, Soleil levant sur son chemin, se heurte également à un possible enfermement : la gémellité. Il livre son histoire sous forme de compte à rebours. Mais qu’adviendra-t-il lorsqu’il parviendra au zéro ? Assisterons-nous au top départ, à l’envol attendu depuis Ton aile, ou au contraire à la chute, l’échec, le néant ? L’auteur devait trancher… et son choix n’aurait pas été le mien.
La fin m’a donc déçue. Et il n’est pas évident de se défaire d’une dernière note déplaisante. Soleil levant est pourtant loin d’être réductible à cette fin. Là où Ton aile se situait à la frontière du témoignage et de la fiction, Soleil levant est un authentique roman. Cette différence de genre n’empêche pas la permanence du style : comme dans Ton aile l’écriture est construite et étudiée, on retrouve les questionnements philosophiques, la construction de l’individu. Il y a la même frénésie de se dire, d’explorer, il y a autant (sinon davantage) de ces passages si élégants. Par exemple celui où Basile vit le deuil de ce chat qui avait tant compté, regarde les gens autour, les trouve impatients, écrit : « Je cherche une oreille dressée. Je crains que le monde n’ait plus aucun tympan. »
A lire alors ? Bien sûr ! Tout en espérant qu’arrivera bientôt un troisième roman cohérent jusqu’à son dernier mot, et qui trouvera éditeur à sa mesure.


Pour mon best-seller, j’en retiens que :

J’écrirai une fin digne de mon récit (oui je sais, j’insiste…).
Ok pour un rebondissement, une rupture dans les dernières pages, à la condition que l’ensemble reste cohérent. Quel dommage d’avoir su donner une fin si subtile à Ton aile, mais d’en avoir choisi pour Soleil levant une si outrancière…

Je n’abuserai pas des adverbes, locutions conjonctives et autres transitions.
Et je ne les accentuerai pas non plus en les entourant systématiquement de virgules. Dans Soleil levant sur son chemin, on peut lire des passages comme :

« Je me sens, alors, devenir ombre. (…) Il y a, en outre, le vertige de voir cet “autre moi-même“ me devenir étranger. (…) J’ai, il est vrai, désiré cette distance. (…) Les choses sont, pourtant, simples. (…) Il décloisonne, toutefois, notre monde et m’en promet un grand. »

Vous voyez le problème ? Au bout d’un moment on ne retient plus que ces mots de transition, accentuation ou rupture, on peine à les oublier, on ne suit plus les idées. Dommage.


>> Soleil levant sur son chemin, Benoît Charuau, Publibook, 2009, 200 pages.

vendredi 24 septembre 2010

Ton aile, de Benoît Charuau


L’histoire
Un tout jeune homme, plutôt sage et mesuré, se retrouve pourtant emprisonné à Fleury-Mérogis et y entame une correspondance avec son (également jeune) ancien prof de philo de terminale.

Ma lecture
Enfin, j’ai lu du Benoît Charuau !!
Je dis « enfin » car lui et moi (si je n’étais si polie j’aurais écrit « moi et lui », la chose étant parfaitement unilatérale…) c’est une vieille histoire : l’ami d’un ami d’un ami, rencontré trois ou quatre fois en soirées dans les années 2000, il s’y distinguait, observateur et raffiné, s’appliquant à absorber chaque scène (enfin, principalement celles mettant en scène des hommes quand même…), la parole réfléchie et précise (même si parfois un tantinet misogyne, m’avait-il semblé…), présent et commentateur mais avec recul, évoluant un monde au-dessus des autres, jeune aussi, on me l’avait présenté comme étant prof de français (c’était de philo, en fait) et écrivain. Le parti idéal pour l’un de mes cousins, me disais-je alors ! Ok il était toujours accompagné, et toujours du même homme, qui ok je le savais partageait également son toit, mais il en aurait fallu plus pour me freiner !
Il faut dire que j’étais très marieuse à l’époque, je me souviens de ce couple d’amis qui se séparaient tout le temps et de mes complots pour les aider à se remettre ensemble, ah puis il y avait aussi ce tuteur de mémoire, que j’aurais trouvé parfait pour une de mes proches… Las, le couple d’amis n’en est définitivement plus un, et je ne suis jamais parvenue à faire se rencontrer ni mon prof et ma proche, ni mon cousin et celui dont je ne connaissais alors que le prénom, Benoît, et en partie le métier.
J’aurais voulu compenser en le lisant, malheureusement trouver un bouquin quand on ne sait ni de quoi il parle ni dans quelle maison d’édition ou même dans quel genre le chercher, et qu’on ne connaît de l’auteur qu’un prénom, courant d’ailleurs, n’est pas chose facile, par ailleurs trouver le nom de famille de l’ami d’un ami d’un ami ne l’est pas davantage, d’autant que les amis des amis ne le restent pas toujours, c’est comme les couples d’amis, bref. Pourtant il ne faut jamais désespérer. Parce que maintenant je le sais, il s’appelle Charuau, et ça y est j’ai, enfin, pu lire ses deux bouquins publiés à ce jour : Ton aile et Soleil levant sur son chemin.
Ton aile, c’est ce bouquin dont je vous disais ici qu’il est construit sous forme de correspondance entre un prisonnier et son ancien prof de philo. Benoît Charuau est prof agrégé de philo, il enseigne aussi aux détenus de Fleury-Mérogis, autant dire que c’est empreint de vécu, de questionnement, d’idéologie. Cela tient autant de la littérature que du témoignage, de la fiction que de l’introspection, d’un point de vue obstrué par toutes sortes de barreaux que d’une réflexion globale sur la société.
Les deux protagonistes auraient pu être plus dissemblables (on a parfois l’impression d’un dialogue entre un homme de 35 ans et sa réplique de 20 ans, notamment dans la façon dont se construit leur réflexion), cela aurait pu être plus rythmé, plus souple, mais il faut le lire car l’écriture est riche, intime et le propos travaillé, il faut le lire car c’est actuel et qu’il y a urgence à entendre ce qu’il s’y dit des prisons, de l’exclusion, de tant de formes d’exclusion, urgence à entendre cette autre voix sur les relations prof/élèves, il faut le lire car même si Benoît Charuau devait ne jamais rencontrer mon cousin (et, au passage, tout invraisemblable que cela puisse vous paraître, ne jamais se souvenir m’avoir rencontrée !) ce récit vaut une lecture, vraiment !


Pour mon best-seller, j’en retiens que :

Je m’autoriserai l’écriture à toutes les personnes.
Il y a quelques jours je vous parlais de cette écriture qu’Adam Walker, héros de l’Invisible de Paul Auster, ne parvient à poursuivre qu’après passage du « je » au « tu ». Dans leurs échanges de lettres, les deux héros de Ton aile troquent spontanément le « je » pour le « tu », mais aussi pour le « il », le « vous », le « nous », le « eux ». Les transitions sont naturelles, évidentes, et le ressort met joliment en exergue l’émotion, l’état d’esprit d’un instant.

Je ne jouerai pas avec l’idée de me laisser emprisonner quelques mois pour avoir le loisir d’écrire.
C’est un vrai classique des fantasmes de l’écrivain en herbe, mais Benoît Charuau en a fait l’expérience : ce n’est pas une si bonne idée…

J’élargirai ma cible…
… en ne considérant pas que, sous prétexte que je fais partie d’une minorité (les bretons de la capitale par exemple) mon récit doit forcément s’en réclamer et s’adresser principalement à cette communauté. C’est vrai, pourquoi me priverais-je d’emblée de tant de ventes potentielles ?!
Alors pourquoi avoir publié Ton aile, dont l’homosexualité des héros ne change bien sûr rien à l’universalité du propos, aux éditions Biliki, dans une collection (Thé glacé) connue pour être l’une des pionnières de la littérature gay et lesbienne francophone ?


>> Ton aile, Benoît Charuau, éditions Biliki, collection Thé glacé, 2005, 206 pages.

lundi 20 septembre 2010

Invisible, de Paul Auster


L’histoire
En 1967, un jeune étudiant américain rencontre un couple de français vorace qui va bouleverser sa vie. Il raconte, se raconte, est raconté, quarante ans plus tard.

!! Attention, la suite de ce post dévoile des infos capitales sur le contenu du bouquin !!


Ma lecture
S’il fallait une illustration à la théorie de Houellebecq sur le nécessaire « couper tout » de l’écrivain, inutile de la chercher plus loin que dans l’Invisible de Paul Auster. Ici on ne coupe pas seulement le flux d’information : pour se dire on coupe son identité, l’identité des autres, on efface les lieux, on brouille les repères, on questionne la fiabilité de la mémoire, parfois même on la nie, au besoin on interrompt sa vie, on coupe le « je », le remplaçant par le « tu », le « il », pour mieux s’exposer ou disparaître au milieu de tant de trompe-l’œil. À l’inverse de Houellebecq, les deux écrivains narrateurs d’Invisible ne considèrent pas qu’ils en savent suffisamment pour écrire, ils écrivent au contraire pour faire la lumière, révéler l’ombre, tester une ou de multiples vérité(s).
Certains ressorts semblent trop évidents, certains personnages ne convainquent pas, cependant tout cela est à peine écrit que sitôt remis en question dans ce récit en labyrinthe à l’écriture aussi limpide que la construction est alambiquée et la réalité instable.
Un mot sur un thème dont j’avais entendu qu’Auster l’abordait dans Invisible : l’inceste entre un frère et une sœur. Oui ok il l’aborde. Mais ce n’est ni essentiel, ni sulfureux, ni certain (vous aurez compris que rien ne l’est dans Invisible, si ce n’est Paris, qui, comme le chantaient Jeanne Moreau et Brigitte Bardot dans Viva Maria, toujours sera Paris…), ni radical ou bouleversant, en tout cas pas lorsque cette lecture arrive après celle d’un Michel Onfray ou, évidemment, d’un John Irving. Alors s’il vous faut l’aborder avec un thème en tête, je suggère plutôt celui d’un Alain Resnais, période Marienbad


Pour mon best-seller, j’en retiens que :

Je m’interrogerai sur la personne la plus à même de raconter une histoire.
L’écrivain héros d’Invisible estime vital de se raconter, mais l’écriture bloque. Un autre écrivain lui suggère d’écrire à la deuxième personne. Le récit passe alors du « je » au « tu ». Un aléa, et le récit passe au « je raconte il ». Puis à un « je » réécrit, puis au « je » de quelqu’un d’autre, un « je » de journal intime.
Et vous savez quoi ? Cela marche !...

J’adopterai l’opiniâtreté dans l’exercice d’écrivain.
Chaque jour, le jeune étudiant Adam Walker s’isole quatre heures pour écrire. Pas mal non ? Ben oui, mais c’est un personnage de fiction. Certes, pourtant tenez, à en croire ses remerciements, en période d’écriture Marisha Pessl, auteur de La physique des catastrophes, peut s’enfermer non pas quatre mais dix à douze heures par jour pour avancer sur son bouquin. Eh oui, c’est du boulot ! Alors, à votre tour ?...

Je resterai prudente avec les noms qui font sens.
Les personnages d’Invisible s’appellent Adam Walker, Rudolph Born, Jim Freeman. Adam Walker pour le héros en action, celui qui cherche à expier un péché originel ; Rudolph Born pour celui qui permettra à Walker de se révéler ; Jim Freeman pour celui que Walker aurait rêvé être et qui libèrera son écriture. Pas vraiment dans la subtilité… Oui sauf que ces noms ne sont peut-être que des inventions – ces personnages sont-ils d’ailleurs tous réels, ou n’incarnent-ils pas différents états d’un même homme ?...
Alors ok pour le tolérer cette fois-ci chez Auster. Mais il ne s’agirait pas d’en abuser, non plus !

Comme Auster, je trouverai le titre parfait.
Je n’ai rien contre les titres accrocheurs (La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette, de Stieg Larsson), ou les titres évidents, ceux par exemple nommant le héros (Carrie, Jessie, Christine, etc., de Stephen King), mais certains titres sont vraiment parfaits, ajoutent une dimension au bouquin. C’est le cas d’Invisible, qui en un mot nous dit tout, la confusion, le vertige, les possibles interprétations, un titre qu’on relit après avoir refermé le bouquin en se disant qu’il n’aurait pas pu y en avoir de plus juste. Rare, non ?, chez qui ne s’appelle pas Marguerite Duras…


>> Invisible, Paul Auster, Faber and Faber, 2010, 320 pages.

samedi 11 septembre 2010

Couper tout !


En cette rentrée littéraire, impossible d’échapper aux derniers Amélie Nothomb et Michel Houellebecq, que la critique nous présente comme de vraies réussites ? Ah non, pas impossible, vu qu’ici on n’en parlera (presque) pas.

On n’en parlera (presque) pas d’abord parce qu’à 20 € en moyenne le livre de la rentrée littéraire, je ne peux pas m’en permettre beaucoup. Ensuite parce qu’un bon Goncourt ou prétendant au Goncourt est tout aussi bon un an après en poche, quand on a un peu oublié promos et critiques. Et enfin parce que j’ai déjà envie de vous parler de tout un tas d’autres choses.

Par exemple j’ai compris que le dernier Amélie Nothomb était construit sous forme d’échange de lettres, entre, semble-t-il, elle et un soldat américain en Irak. Eh bien ça me donne envie de vous parler d’un bouquin que je viens de lire, il s’appelle Ton aile, il est de Benoît Charuau, qui l’a je crois écrit en 2001 mais publié en 2005, et il s’agit d’un échange de lettres entre, semble-t-il, lui et un tout jeune homme emprisonné à Fleury-Mérogis. C’est beau, palpitant, très actuel, je vous en parle très vite.

Quant à Houellebecq, peut-être me donnerait-il raison de ne pas me précipiter pour le lire. Je l’entendais l’autre jour, face à un Elkabbach qui lui faisait remarquer qu’il semblait s’intéresser davantage à l’actualité, à notre temps, qu’on ne semblait le croire (vous suivez toujours ?), répondre que oui il s’y intéresse mais qu’à un moment, pour écrire, il faut « couper tout ». Il faut considérer qu’on sait déjà tout ce qu’on a à savoir. On peut bien sûr, si on le souhaite, relire ce qu’on a déjà lu, mais il ne faut plus lire de nouvelles choses. Il faut s’arrêter. Arrêter d’être éponge, arrêter de remettre en cause, faire un choix, avancer.

Alors qu’en pensez-vous ? On coupe quelque temps ? On se ferme à cette rentrée littéraire, on s’en tient à ce qu’on a déjà lu, on met pause et on écrit ?...