mardi 29 juin 2010

Mémoires de porc-épic, d’Alain Mabanckou


L’histoire
Un porc-épic soulage sa conscience d’ancien double maléfique d’un homme auprès d’un baobab.

Ma lecture
Petit ouvrage couronné du prix Renaudot en 2006, qui se savoure, qui philosophe, qui ironise, qui rit, noir surtout, et qui se lit (trop ?) rapidement.
Je n’ai pas lu le précédent Mabanckou, Verre Cassé, une annexe semble indiquer que Mémoires de porc-épic en serait une sorte de suite. Cela m’a surprise car ce petit livre m’a fait l’effet d’un exercice de style, agréable et réussi mais que je n’imagine pas (et ne souhaite pas nécessairement) voir renouvelé. J’ai donc hâte de lire Verre Cassé !

!! Attention, la suite de ce post dévoile des infos capitales sur le contenu du bouquin !!

Récit trop concis et hors catégories pour en conserver beaucoup pour mon best-seller à venir, j’en retiendrai tout de même que :

Je pourrai m’autoriser quelques libertés avec la ponctuation…
… à condition qu’elles soient justifiées. Qu’un porc-épic ignore toute ponctuation à l’exclusion de la virgule peut se concevoir, que la mémoire ne se laisse pas enfermer par des points et majuscules ou qu’un récit ne se puisse terminer par un point final également, en revanche ce parti pris semble parfois moins justifié dans les passages très narratifs, où il renforce le sentiment à la lecture d’être face à un exercice de style. Cela m’a fait penser à Comédie Classique de Marie NDiaye, rédigé en une seule phrase étirée à l’infini : on admire la prouesse, sans se laisser complètement porter par le récit.

Je pratiquerai l’autodérision.
Comme lorsque, dans son roman, Mabanckou fait dire à son porc-épic : « pour simplifier les choses et ne pas te polluer l’esprit, je dirai que les romans sont des livres que les hommes écrivent dans le but de raconter des choses qui ne sont pas vraies, ils prétendent que ça vient de leur imagination ».

Je pratiquerai le détournement de citations.
Avouons-le, nous autres lecteurs nous gonflons de fierté quand nous reconnaissons un pastiche de grand auteur. Quand en plus c’est pratiqué avec humour, comme lorsque le héros homme de Mabanckou, Kibandi, parodie Victor Hugo en disant à son double porc-épic « demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je veux que tu suives ce couillon de tireur de vin de palme », on est ravis !

Je garderai mon public à l’esprit, mais ferai en sorte qu’il ne le remarque pas.
Si je me sens dans la nécessité d’expliquer certaines choses de mes mœurs de bretonne à un lectorat que j’imagine parisien, j’essaierai de le faire subtilement, ou alors, si je n’y parviens pas (hypothèse la plus probable, je vous l’accorde) je dirai ouvertement à mes lecteurs ce que je m’applique à faire. Là, on a dans certains passages la sensation que l’auteur, africain, s’adresse et s’adapte à un lectorat occidental, et dans ces moments on croit moins à la spontanéité et à la sincérité du récit.

J’y réfléchirai à deux fois avant d’inclure une annexe.
Surtout quand l’annexe tranche si radicalement avec le récit. L’absence de ponctuation nous plonge dans une histoire infinie (pas de début, pas de fin). L’ajout d’une annexe terre-à-terre, ponctuée, empêche de refermer le livre sur cette sensation d’infinitude (oui mes chers, ce mot-là existait avant Ségolène !). De la même façon, le point de vue du héros porc-épic est affranchi des normes et conventions humaines, il nous offre un certain recul. Il est dommage que l’annexe ramène les propos du porc-épic à une parabole, au discours travesti d’un homme. J’aurais tellement préféré rester sur ce porc-épic et son baobab…

>> Mémoires de porc-épic, Alain Mabanckou, Points, 2007, 228 pages

dimanche 27 juin 2010

Six Feet Under : écriture et scénaristes


En mai 2009, Télérama s’interrogeait longuement sur le travail d’écrivain à l’heure des grandes séries télé américaines, de la chaîne HBO notamment (Dossier Des saisons très littéraires - Pourquoi les séries télé vampirisent les écrivains, TRA 3097). Parmi celles-ci, Six Feet Under, dont je viens de terminer de visionner les cinq saisons (achevées en 2005, je sais, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire !).
Cinq saisons aux scènes inégales mais dans l’ensemble de très grande qualité, avec des personnages complexes superbement incarnés par des acteurs venus pour l’essentiel du théâtre, et un scénario osé, inventif et abouti.

Synergie de scénaristes
Dans le dossier de Télérama, Philippe Djian assenait : « Tout le monde sait que ces grandes séries valent nos meilleurs romans. », et le journaliste de Télérama, Erwan Desplanques, s’interrogeait : « comment l’écrivain peut-il rivaliser, en face, seul avec son stylo ? ».
Après avoir vu tout Six Feet Under ainsi que ses bonus, j’ai l’impression que le mot le plus important, dans ce questionnement, est « seul ». L’écrivain presque tout le temps écrit seul. Un imaginaire, un vécu, un point de vue, un style, un œil critique. A contrario lorsqu’Alan Ball, scénariste oscarisé pour American Beauty, crée Six Feet Under, il s’entoure de sept scénaristes parmi les plus doués qui soient selon lui. Chacun ayant, dit-il dans les bonus de la série, « un parcours personnel extrêmement riche et intéressant », chacun apportant des idées dont Alan Ball se dit que, seul, il n’aurait jamais pu les avoir. L’une des coscénaristes, Jill Soloway, le confirme, disant que tous ont apporté à la série des bouts de leur vie personnelle (acteurs inclus, d’ailleurs).
Chaque jour, le bataillon de scénaristes se réunit dans une pièce ornée de grands tableaux sur lesquels chacun note ses idées pour chaque personnage, puis rebondit sur les idées des autres. Une façon de travailler qui pourrait rappeler en France celle du tandem Jaoui/Bacri. Mais en littérature ?...

Inspirons-nous des scénaristes…
Revenons à nos sept scénaristes. Ne s’expriment-ils pas sur les apports spécifiques de chacun ? Ne pourrait-on pas leur emprunter quelques astuces ?
Humbles dans les interviews bonus, ils mettent surtout en avant ce que leur a appris Alan Ball.
D’abord, le refus de la linéarité. Le coscénariste Craig Wright dit que l’une des phrases que Ball prononce le plus est : « C’est trop linéaire ». Il n’aime pas qu’une chose se produise en réaction à une autre. Si par exemple David et Keith ont une altercation en scène 1, David ne va pas décharger sa colère sur quelqu’un en scène 2, il va au contraire se montrer très gentil, quitte à exploser en scène 3.
Ensuite, une certaine compréhension de la psychologie. Jill Soloway dit qu’Alan Ball comprend que la tristesse et le rire sont la même chose, qu’ils viennent du même endroit, que c’est pourquoi certaines personnes rient dans les enterrements. Un autre des coscénaristes, Bruce Eric Kaplan, estime que le succès de la série tient en partie à cette finesse de la construction psychologique des personnages, car « les gens aiment qu’on montre les méandres de l’âme humaine et la difficulté de communiquer avec autrui ».

Et inspirons-nous du montage !
Un autre bonus de la série qui donne à réfléchir à l’écrivain est celui où l’on s’immisce dans la salle de montage. Le monteur coupe, colle, essaie différentes prises d’une même scène, teste différentes musiques sur chacune de ces prises, chaque prise de chaque scène est filmée sous plusieurs angles alors il essaie aussi ces différents angles, l’équipe visionne, le monteur modifie à nouveau, colle les scènes sélectionnées, l’équipe revisionne, constate qu’une autre prise fonctionnerait mieux à tel stade de l’enchaînement, au final de centaines d’heures de rushs on extrait un épisode de 50mn extrêmement soigné.
Alors pourquoi ne pas nous aussi écrire nos scènes une première fois, puis une seconde, puis dix fois, puis toutes les réécrire depuis des points de vue différents pour, comme ces équipes de séries télé, pouvoir s’offrir le luxe de ne garder que la meilleure ? Chronophage, certes. Mais peut-être payant ?…

jeudi 24 juin 2010

Ferdinand et les iconoclastes, de Valérie Tong Cuong


L’histoire
L’ascension fulgurante dans une multinationale de cosmétiques de Ferdinand, qu’on nous décrit jeune, brillant et beau à l’extrême (mais que l’on juge surtout trop désincarné pour nous toucher), et qui se laisse manipuler par la première envouteuse arriviste venue. Jusqu’au jour où il réalise qu’il « a grandi sans enfance, s’est marié sans amour et survit sans plaisir ». Tintintin !!

Ma lecture
Tous les bouquins ne peuvent pas être des coups de cœur. Après Hell bent for leather je me doutais que je risquais d’être un tout petit peu déçue par ma lecture suivante. Mais je n’aurais pas imaginé l’être à ce point.
Par mansuétude je tairai le nom de la librairie de banlieue parisienne où j’ai acheté Ferdinand et les iconoclastes parce qu’il figurait dans le présentoir des « recommandés », en attendant on ne risque pas de me voir souvent y refaire des achats. Parce que ce bouquin c’est des clichés, à la pelle : le golden boy charismatique inconscient de son charme qui ravage tout sur son passage mais est au fond un utopiste marxiste aspirant à un monde meilleur, l’assistante des ressources humaines rêveuse grande lectrice et transie d’amour et complexée et elle-même inconsciente de sa grande beauté, l’arriviste à bas résille experte en manipulation d’un homme et de ses parents mais aussi en positions du kâma-sûtra et ne pensant qu’argent institut de beauté et vie auprès des people. Et puis c’est aussi de fausses grandes idées, de l’utopie non communicative car trop naïvement et rapidement exprimée. Aucune finesse, aucune surprise, aucune innovation.
Rien à sauver alors ? Bah admettons qu’il y a quelques idées, et que ça se laisse lire tout de même, car heureusement pour nous Valérie Tong Cuong ne semble pas avoir de prétentions littéraires, ses phrases sont courtes, précises, sans aucune poésie, elles vont droit au but, rien ne vient perturber la lecture ou nous emmener ailleurs, en deux trajets de métro c’est avalé ! Et puis il n’y a pas de coquilles orthographiques, c’est déjà ça.
Quoi ?! Vous me soupçonnez d’être excessive ? Bon très bien, ok, si vous y tenez la parole est à la défense, l’auteure, qui décrivait ainsi son histoire dans une interview donnée à Air France Magazine lors de sa parution : « Le héros de mon dernier roman est l’un de ces dirigeants qui façonnent la planète. Arrivé au sommet de la pyramide, il prend conscience des dérapages du système, de cette folie qui couve partout et, dès lors, n’a qu’un but : changer le monde. Et il va trouver la solution ! ». A vous de voir si ça vous tente de vérifier si solution il trouve…

Pour mon best-seller je n’en retiens pas grand-chose, mais tout de même :

J’éviterai de me prendre pour Paul-Loup Sulitzer.
Sauf si je suis Loup Durand, bien sûr. Car, oui, le genre western financier a ses exigences, qui ne doivent pas être aussi simples qu’il y paraît vu que preuve est faite que l’on peut magistralement s’y casser les dents.

J’éviterai de m’aventurer sur des terrains que je maîtrise moyennement.
Quand on arrive après un bon siècle de littérature d’anticipation/science-fiction sur la prise de conscience des machines et sur leur remplacement progressif de l’homme, on ne peut convaincre le lecteur d’une supposée révolutionnaire découverte en intelligence artificielle en dix lignes naïves.
La même chose vaut pour les sphères économico-financières : on veut bien essayer de croire à l’ascension fulgurante de Ferdinand dans l’univers des cosmétiques, mais n’aurait-il pas pu devoir cette réussite à une invention plus crédible que « Essential gum, le chewing-gum aux alicaments essentiels qui en trois minutes par jour changera votre vie » ?

J’éviterai de révéler mes grandes idées révolutionnaires si elles ne le sont pas.
Vous savez, le genre : « et si demain on laissait les machines travailler pour nous et qu’on en profitait pour mettre en place une société de loisirs ! Ahah, ça vous en bouche un coin cette idée à laquelle vous n’aviez jamais pensé, pas vrai ! ». Oui, c’est de ce calibre.

J’interdirai à mon éditeur d’illustrer ma première de couv avec ma fameuse idée révolutionnaire.
Et paf, un robot devant un écran d’ordi sur la couv de l’édition poche, oh trop dommage, dire qu’il aurait pu y avoir un gros suspense dans les 50 dernières pages du livre avec cette idée jamais lue ailleurs d’un robot venant remplacer l’homme au boulot !! Mouaif.

J’éviterai les épigraphes de pointures quand je m’apprête à narrer une histoire simplette.
Car quand le lecteur ouvre un bouquin qui porte en épigraphe des mots de Jean-Paul Sartre (« Il n’existe toujours pas de théorie marxiste de la révolution et de l’état révolutionnaire dans un pays développé »), il espère trouver un récit qui en soit digne. Il n’en est que plus déçu quand il doit subir 250 pages d’une niaiseuse dénonciation de la société de consommation.

Je me souviendrai qu’une histoire ça se raconte.
Le lecteur se fout qu’on lui dise qu’un événement a eu lieu, il veut qu’on le lui raconte. Qu’on le lui montre. Quand, à un moment crucial de l’intrigue, alors qu’on se demande (sans grande passion non plus hein, on est juste à peine curieux…) comment Ferdinand va amener les autres dans son utopie, Valérie Tong Cuong écrit : « Ferdinand savait être persuasif. Après plusieurs heures de débat passionné, tous finirent par accepter son plan. », elle esquive, par facilité imagine-t-on, l’écriture de l’une des seules scènes qui auraient pu nous intéresser. Ballot.

>> Ferdinand et les iconoclastes, de Valérie Tong Cuong, J’ai Lu, coll. Nouvelle Génération, 2006 (paru chez Grasset en 2003), 245 pages.

mardi 22 juin 2010

Hell bent for leather - Confessions of a heavy metal addict, de Seb Hunter



L’histoire
Au tout début des années 80, un gosse anglais découvre le heavy metal et le vit fanatiquement jusqu’à son exécution 15 ans plus tard par Kurt Cobain. Autobiographie.

Ma lecture
Que les choses soient claires, je n’ai jamais rien entendu au metal, heavy ou non. On a certes pu me surprendre à chanter du Guns n’roses mais alors c’était sur leur reprise de Knockin’ on heaven’s door de Bob Dylan ou pire, sur leur Don’t cry que je crois bien avoir connu par cœur, vous savez, cette ballade aux paroles si spirituelles : « I know how you feel inside I’ve / I’ve been there before / Something’s changing inside you », maintenant que j’y pense c’était d’ailleurs la période où De Caunes et Garcia nous expliquaient « Ton corps change, ce n’est pas sale ! », ça devait être dans l’air du temps. Bref. Ensuite Axl Rose chantait « There’s a heaven above you baby / And don’t you cry-y-y- tonight » et bien sûr je trouvais ça magnifique. Dans le genre vous vous en doutez j’avais aussi craqué pour la ballade de Metallica, Nothing else matters, ce qui à ma totale incompréhension ne semblait pas me rehausser aux yeux de mon cousin qui lui écoutait tout Metallica. Il y a tout de même eu 2/3 titres comme le Whole lotta love de Led Zeppelin, mais hem enfin la version que j’ai préférée était peut-être bien celle de Lussie dans la Nouvelle star, et puis au fait c’est du metal Led Zep ?, bon ok je m’arrête là, vous voyez quand je vous dis que je n’y entends rien !
Comment alors en suis-je venue à ce bouquin même pas dispo en français, dont le titre est celui du 5ème album des Judas Priest (les Judas qui ??), un groupe de heavy metal anglais ? Figurez-vous que je ne m’en souviens pas. Je l’ai acheté il y a deux ou trois ans, ça je m’en souviens, mais pour quelle raison alors là aucun souvenir. Peut-être que je voulais impressionner quelqu’un, ou peut-être que je voulais juste un bouquin en anglais et que c’est le seul que j’avais trouvé à acheter ce jour-là. En tout cas depuis il traine dans le tiroir bas de mon caisson au bureau, chaque fois que je tombe dessus je suis aussi décontenancée de me retrouver face à ça.
Or lundi je n’avais rien à lire pour mon trajet de retour du boulot et puis c’était la fête de la musique alors même si je ne voyais qu’un lointain rapport entre metal et musique je me suis résignée à ôter Hell bent for leather du tiroir, convaincue d’être destinée à le refermer au bout de 6 pages en n’ayant rien compris à l’anglais, au propos et aux références, et me préparant à ne pas accrocher à un récit qui ne devait pas avoir d’histoire, forcément, qu’attendre d’un banal témoignage de fan ?
Vous devinez la chute. Waouh. Mais carrément waouh, mon premier bouquin coup de cœur depuis que j’ai ouvert ce blog, c’est bourré d’humour, sincère, accessible aux ignares de mon genre, avec une vraie histoire et une vraie progression et même du suspense, mais bon surtout tellement d’humour, ça m’a donné envie d’en racheter 10 pour les offrir à n’importe qui, j’ai adoré.


J’en retiens que dans mon best-seller :

J’adopterai le message d’avertissement sur la première de couv.
Ici dans un bandeau au-dessus du titre on lit : « Parental advisory : explicit lyrics ». Ça aurait pu suffire à motiver mon achat. Peut-être que ça a été le cas d’ailleurs, vraiment aucun souvenir…

J’adopterai les photos témoignages.
Authentique et drôlissime, Seb Hunter sur la couv avec sa coupe à la Jem et les Hologrammes (bah oui, désolée, c’est peut-être supposé être la coupe de Sam Yaffa ou je ne sais qui mais on a les références qu’on peut…) et sa peau d’ado à problème, ou encore au fil du bouquin le même Seb Hunter pré-pubère et ultra fier dans sa tenue d’Angus Young des AC/DC (en fait un uniforme de collégien), ou la photo de la délicieuse Metal Fairy (le pote d’Hunter et chanteur et animateur approximatif, Owen) lors du grand retour des Trash Can Junkies.

J’adopterai le « parlez de ce que vous connaissez ».
Eh oui on en revient toujours aux mêmes principes, mais avouez qu’il n’y a que ça qui justifie de rédiger sa bio quand on n’est personne – du moins personne de connu, comme Seb Hunter. Bien sûr pour que ça fonctionne il faut pratiquer la franchise absolue, ainsi que le fait Hunter dans des dialogues hilarants ou dans certaines descriptions, comme celle-ci qu’il donne des membres de son premier groupe de metal, les « Armageddon’s Ring », quand il avait dans les 13/14 ans (extrait en VO, quoi, vous n’avez tout de même pas cru que j’allais me risquer à une traduction ?!) :

To recap:
Seb Hunter: Guitar & vocals. Can play bar chords. Can sing high harmonies. Speakes like a child. Short hair, but almost over eyes. Excitable. Prone to almost wetting pants if things are getting too overwrought.
Paul Bavister: Bass guitar & vocals. No sense of timing. Tone deaf. Tall. Bad skin. Deep monotone voice. Big house.
Luke Foster: Lead guitar. Voice like Kermit. Technique like Kermit. Also tone deaf. Everything deaf. Bad skin as well.
(NB – I had bad skin too, I just decline to mention it.)

J’adopterai l’ombre de l’ange déchu et exterminateur qui n’intervient pas avant la fin du bouquin.
Quel suspense mais quel suspense autour de Kurt Cobain !!

En revanche jamais mais alors jamais je n’avouerai un coup de foudre au premier regard dans un bouquin rock !!
Non vraiment, atroce faute de goût, mais pourquoi Seb, pourquoi ??


>> Hell bent for leather - Confessions of a heavy metal addict, de Seb Hunter, Harper Collins / Libri, 2005, 336 pages (+ des bonus !)

mardi 8 juin 2010

Amkoullel, l’enfant peul, d’Amadou Hampâté Bâ


L’histoire en quelques mots
Biographie sous forme de récits autour de la jeunesse et de la genèse malienne du jeune Amkoullel, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge où il deviendra l’homme Amadou Hampâté Bâ, à une époque de bouleversements pour l’Afrique et le Monde.

Ma lecture
Amadou Hampâté Bâ est un authentique conteur. Nourri et éduqué aux contes, qui longtemps constituèrent la mémoire transmise de génération en génération dans une Afrique de tradition orale, il est en permanence dans le récit. Sa langue est dépouillée mais précise, c’est beau comme des pages web avec des CSS, les phrases sont simples et justes, les envolées réservées à certains personnages exaltés ainsi qu’aux dialogues restitués par la mémoire sidérante de l’auteur.
C’est peu scénarisé : on ne suit pas des événements, il n’y a pas de progression dans l’intensité du récit car la progression est chronologique. Les premiers récits, consacrés aux ancêtres d’Amkoullel, sont glorieux et épiques, la linéarité désarçonne, qui ensuite nous présente puis nous fait suivre pas à pas le chemin plus ordinaire de l’auteur enfant. Ainsi nul suspense graduel, nulle angoisse de ce qui suivra, mais un intérêt véritable pour ces saynètes qui bout à bout prennent sens et nous embarquent aisément.

De cette lecture je retiens que dans mon best-seller :

Je n’hésiterai pas à faire intervenir des personnages hors du commun.
Les souvenirs du jeune Amkoullel en sont peuplés, par exemple l’homme qu’il décrit ainsi :
Musicien virtuose, il faisait ce qu’il voulait de ses mains, mais aussi de sa voix. Il pouvait faire trembler son auditoire en imitant les rugissements d’un lion en furie ou le bercer en imitant, à lui seul, tout un chœur d’oiseaux-trompettes. (…) Je ne connais pas un cri d’animal ni un son d’instrument de musique qu’il ne pouvait imiter. Et quand il dansait, c’était à en rendre jaloux Monsieur Autruche lui-même.
Too much, trouvez-vous ? Et pourtant, spécialement à des yeux d’enfant et quand elles captent l’attention des adultes, les personnes rencontrées semblent souvent ainsi, exceptionnelles et supérieures. Pourquoi ne pas le restituer ?...

Je décrirai des héros intrépides.
Parce que c’est beau, les personnages qui infléchissent le cours divin par la force de leur volonté, et parce que cela crée de l’enjeu. Quand le deuxième père du jeune Amkoullel se fait emprisonner et disparaît, sa mère Kadidja ne se désespère pas. Elle remue ciel et terre pour le retrouver après s’être engagée à obtenir des résultats dans un délai serré auprès de sa belle-mère, engagement sacré donc :
Je te demande un délai de trente-trois jours. Avec l’aide de Dieu, je te promets que j’obtiendrai des nouvelles de mon mari. Et si pour cela il faut escalader les cieux, j’irai chercher au besoin l’échelle des prophètes pour le faire !
Quand on est lié par de telles promesses, on n’a d’autres choix que de réussir ou de mourir en s’y employant !

Je donnerai des clés de compréhension.
Si j’écris un livre sur des bretons et que je destine ce livre à un public parisien, il faudra naturellement que j’explique deux/trois choses de la vie bretonne ou mes lecteurs risquent de tout mal interpréter. Quand Amadou Hampâté Bâ décrit la place des enfants au cours des repas du soir (assis en bout de table, contraints au silence, cantonnés aux légumes...), le lecteur occidental peut être choqué. Sauf qu’aussitôt l’auteur explique en quoi il s’agit là d’un système d’éducation tout à fait défendable :
Toute cette discipline ne visait nullement à torturer inutilement l’enfant, mais lui enseignait un art de vivre. Tenir les yeux baissés en présence des adultes (…) c’était apprendre à se dominer et à résister à la curiosité. Manger devant soi, c’était se contenter de ce que l’on a. Ne pas parler, c’était maîtriser sa langue et résister au silence : il faut savoir où et quand parler. Ne pas prendre une nouvelle poignée de nourriture avant d’avoir terminé la précédente, c’était faire preuve de modération. Tenir le rebord du plat de la main gauche était un geste de politesse, il enseignait l’humilité. Éviter de se précipiter sur la nourriture, c’était apprendre la patience. Enfin, attendre de recevoir la viande à la fin du repas et ne pas se servir soi-même conduisaient à maîtriser son appétit et sa gourmandise.

J’inclurai un peu de bon sens traditionnel.
Parce que les recettes de grand-mère, ça marche toujours ! Bon dans Amkoullel, l’enfant peul, en l’occurrence, il s’agit surtout de conseils de mère, mais ça marche aussi :
Je me souvenais des conseils de ma mère : « Un bon chef de waaldé doit toujours se montrer patient et conciliant. Il ne doit pas encourager la bagarre, mais si celle-ci devient inévitable, il ne doit pas non plus reculer. Et dans la mêlée, si mêlée il y a, il ne doit jamais fuir, quels que soient le nombre et la violence des coups qu’il reçoit. La seule blessure incurable pour un chef, c’est de fuir devant l’ennemi ».

J’essaierai du générer un peu de suspense même dans une biographie.
Pour que le lecteur ait envie de lire la suite, quoi de plus simple que de l’appâter en lui suggérant que quelque chose d’énorme l’attend dans les pages à venir ? Ce qu’Hampâté Bâ fait par exemple comme cela :
Je ne savais pas que, sur ce bateau, j’allais faire une rencontre dont les conséquences lointaines détermineraient toute mon attitude en face des honneurs de ce monde.
Tintintin !!

Je répondrai à une question que tout le monde se pose.
Comme ça mes lecteurs auront au moins le sentiment d’avoir appris quelque chose. Dans Amkoullel, l’enfant peul, on apprend plein de choses sur l’Afrique, c’est vrai, mais surtout, surtout, on apprend que le Point G existe, eh oui, Hampâté Bâ le décrit en page 469, aucun doute possible, il s'agit d'une colline, à Bamako !!

>> Amkoullel, l’enfant peul, Mémoires T1, d’Amadou Hampâté Bâ, Actes Sud collection Babel, 1993, 534 pages.

lundi 7 juin 2010

Sémantique et cascades de styles


La semaine dernière, ma boîte m’a envoyée en formation CSS. Vous connaissez les CSS ? Cascading Style Sheet : « feuilles de style en cascade », soit la façon propre de développer un site web, pas comme les tableaux imbriqués que j’ai appris à faire à une autre époque, qui font des pages avec un code de milliers de lignes de long où l’information est noyée dans les éléments de mise en forme.
Avec les CSS, le code ne présente (théoriquement) que de l’information linéaire et hiérarchisée et des marqueurs sémantiques, qui décrivent la fonction de l’objet concerné et pas son apparence. Car tous les éléments cosmétiques, de présentation, de mise en forme, de position, de navigation, tous les éléments graphiques, qui ne relèvent pas de l’informatif, sont externalisés dans une feuille de style, que l’on peut modifier à l’envi. Tout cela s’inscrit dans ce que l’on appelle le web sémantique.
Il faut avoir connu le HTML alambiqué et confus des tableaux imbriqués avec déclarations javascript interminables pour être sensible à la beauté de ces pages au code épuré grâce aux CSS. De la même façon peut-être, il faut avoir connu l’ivresse des mots à 5 syllabes, des phrases savamment tournées et des récits-fleuves où l’informatif côtoie le descriptif, les digressions, la poésie, l’esbroufe, pour être sensible à la pureté d’une écriture vraie et sans fioritures.

Il y a une autre notion essentielle dans les CSS : celle de cascade. Pourquoi feuilles de style « en cascade » ?
Avant de répondre à ça j’ai envie de vous parler de Six Feet Under, série tv dont deux des personnages les plus intéressants sont Billy et Brenda, frère et sœur trentenaires. Dans un épisode de la saison 3, leur mère leur raconte que quand ils étaient enfants, ils commençaient systématiquement leurs phrases par des conjonctions, ce qui donnait par exemple « Mais, Papa, quand on discutait tout à l’heure tu nous as dit… », ou « Et, Maman, on pourrait aller faire ceci… », si bien que leur père disait que vivre avec eux revenait à écouter la phrase la plus longue de l’histoire de l’Univers.
Ce qui nous ramène aux CSS. Car le code source d’une page web est un peu comme une phrase unique, loin de rivaliser avec la plus longue de l’histoire de l’Univers sans doute, mais parfois très longue quand même. Les balises neutres et marqueurs sémantiques vont hiérarchiser l’information, les styles vont la mettre en forme et en scène.
On parle alors de cascades, car de multiples styles peuvent coexister dans une même page, parfois encapsulés les uns dans les autres avec des rapports de parenté et d’hérédité, parfois définis par le créateur de la page dans une feuille de style (par exemple « je veux que tel titre ait telle couleur et telle image de fond »), parfois définis par l’utilisateur dans les préférences de son navigateur (par exemple « je veux que le texte s’affiche en taille maximale »), et tous ces styles se combinent, selon tout un tas de règles. La plupart du temps, c’est le plus précis qui a parlé qui a raison. Mais si deux éléments de précision équivalente s'affrontent, c’est le dernier qui a parlé qui a raison.
Et si, dans le cas de rapports de parenté, les propriétés des éléments parents s’appliquent aux éléments enfants, quand on définit des propriétés propres aux éléments enfants et contradictoires avec les éléments parents en revanche celles des éléments enfants se substituent à celles des parents. Et oui, c'est très évolutionniste !

Une dernière chose concernant les CSS : elles participent de l’accessibilité d’un site web. On fait une feuille de style différente pour chaque type de support (écran d’ordi ou de tv, smartphone, imprimante, projecteur…), si bien que la forme du contenu s’adapte au média utilisé.


Alors, que diriez-vous d’écrire un roman CSS, sémantique, épuré, linéaire, à l’apparat entièrement externalisé dans des archives, implacable et darwinien, dont on éditerait une version classique pour l’impression, une version enrichie d’illustrations pour la lecture écran, une version découpée en petits paragraphes et petits chapitres pour la lecture iPad, une version audio pour l’exploitation sur téléphone, etc. ?...