lundi 28 février 2011

Doggy bag, de Philippe Djian, saisons 1, 2, 3, 4


L’histoire 
Les frères Sollens, David et Marc, la « quarantaine sexy », cogèrent une concession Mercedes-Benz. Mais voilà que surgit de leur passé la sulfureuse Edith, et boum le sol s’effondre, au propre comme au figuré. Or Sonia, 20 ans et fille d’Edith, ne serait-elle pas la fille cachée de l’un ou l’autre des frères ? Josianne, l’infirmière torride, tolérera-t-elle cette intrusion d’une ancienne flamme de son homme ? Et quid d’Irène, mater dolorosa trouvant réconfort dans le vermouth, ou de Béa, la secrétaire se languissant secrètement d’amour pour ses deux boss ?…

Ma lecture

Il ne faut pas toujours se fier à une première impression. En tout cas pas en ce qui me concerne, et notamment au sujet de la série Doggy bag. Par chance, Djian avait su suffisamment m’allécher pour que je n’aie d’autre choix que de dépasser cette première impression. Je savais qu'il avait écrit cette série de bouquins dans l'idée de s'approcher des recettes des grandes séries télé américaines à la Six feet under. Idée tentante. Alors quand je me suis retrouvée dans le rayon poches face aux six saisons de Doggy bag et que j’ai commencé par ne prendre que le premier tome, je me suis sitôt rappelé ma frustration de téléspectatrice à la fin de toute bonne première saison d'une série quand je n’ai pas la deuxième sous la main et ai jugé préférable de prendre aussi le deuxième tome, ce qui m’amena logiquement à l’idée que jamais deux sans trois, par contre au-delà de trois ça commençait à faire cher et j’en suis restée là.
Or j’ai pour principe de lire tout ce que j’achète, c’est qu’il faut bien rentabiliser, et c’est heureux car si je n’avais lu que le premier Doggy bag je vous en aurais probablement dit, en gros, qu’en fait d’une version écrite de Six feet under on avait plutôt une version masculinisée et francisée d’Amour, gloire et beauté. Qu’écriture et intrigue n'y présentaient aucun intérêt. Que les personnages étaient caricaturaux à l’extrême, sans profondeur, sans répartie, et qu’il était usant de les voir « déclarer » ou « ricaner » à chaque réplique. Qu’une bande-son ça tombe complètement à plat dans un bouquin, et que ok on l’aura compris que Djian adore « ce chanteur canadien qui écrit de si beaux livres », mais inutile de nous le dire chaque fois qu’un de ses personnages l’écoute.
Mais donc il se trouve qu’à la fin du premier tome je ne vous en ai pas parlé, car il me restait à lire le deuxième. Puis le troisième. Puis le quatrième – non en effet je ne l’avais initialement pas acheté celui-là, merci de me suivre aussi bien !, mais bon j’ai dû l’acheter car j’ai laissé passer un peu de temps avant de vous parler des trois premiers tomes, alors mes souvenirs n’étaient plus très frais, et déjà que je vous ai délaissés pendant deux mois complets je n’allais pas revenir avec une info approximative, tout ça pour dire qu’au final j’en ai lu quatre.
Ce qui donc est heureux car au fil des saisons cela se met à fonctionner… exactement comme beaucoup de séries télé ! À savoir : des personnages pas forcément intéressants au premier abord, des situations et descriptions oubliables, des stéréotypes, facilités et invraisemblances, et même du placement de produits, mais un arrière-goût de revenez-y, un humour né de la répétition, des enchaînements abrupts avec une absence de transitions confondante, zappant d’une scène à l’autre sans aucun temps mort, des personnages en permanence sur le fil, avec en sus un plaisir communicatif de l’auteur à cette écriture codée, d’autant que Djian a le mot travaillé et la tournure fine et l’on se délecte de ses petites formules (un exemple : « La liberté ne déclenchait plus le même enthousiasme qu’autrefois, soyons honnêtes. ») ou de ces situations qui n’ont l’air de rien mais qui, mises bout à bout, dressent un portrait plus subtil qu’il ne m’avait initialement semblé d’une époque et de ses névroses.


Pour mon best-seller, j’en retiens que :
 

Si je rédige une série, j’adopterai les saisons dramatiques et… climatiques !
On l’aura compris, chaque tome de Doggy bag se veut l’équivalent d’une saison de série télé. Djian s’est en plus amusé à attribuer à chaque saison dramatique une saison climatique : canicule dans un tome, pluies de fin du monde dans un autre, été indien étiré à l’infini ailleurs… Très drôle !

J’adopterai le comique de répétition… 

… mais n’en abuserai pas. Car il y a des limites. À la première tournure du genre : « Je n’étais pas préparé à ça, je ne te le cache pas. Je n’hésite pas à te le dire. », ou du genre : « Il était inutile de se raconter des histoires. Inutile de perdre son temps. Il ne servait à rien de se mentir, ça n’avançait personne. » on sourit. À la deuxième on s’interroge. À la troisième on s’agace. Mais finalement quand tous les personnages s’y mettent, ça amuse, vraiment.
À la condition qu’il n’y en ait pas à chaque réplique non plus. Quand un personnage dit : « Je te suis vraiment reconnaissante. C’est vrai. », et qu’un autre lui répond : « Je sais ce qui est en jeu. Figure-toi que je sais ce qui est en jeu. », et ainsi de suite, on se dit qu’il y a tout de même de la facilité dans l’air.

J’éviterai les prénoms datés. 

Car même si je ne prends délibérément pas la chose au sérieux, je me dirai que celle de mes héroïnes, âgée d’une trentaine d’année, que je ne peux jamais citer sans préciser qu’elle est dotée du corps de Jennifer Lopez, perd en potentiel de séduction en s’appelant Josianne. La même remarque vaut pour une autre trentenaire de la saison 1, Jacqueline. Djian ne sait-il donc pas que dans un soap à l’américaine les prénoms féminins se doivent de se terminer en « i » ou « a » ?
 

>> Doggy bag, saison 1, Philippe Djian, 10/18, 2007, 266 pages.
>> Doggy bag, saison 2, Philippe Djian, 10/18, 2007, 298 pages.
>> Doggy bag, saison 3, Philippe Djian, 10/18, 2007, 248 pages.
>> Doggy bag, saison 4, Philippe Djian, 10/18, 2008, 247 pages.