mardi 29 juin 2010

Mémoires de porc-épic, d’Alain Mabanckou


L’histoire
Un porc-épic soulage sa conscience d’ancien double maléfique d’un homme auprès d’un baobab.

Ma lecture
Petit ouvrage couronné du prix Renaudot en 2006, qui se savoure, qui philosophe, qui ironise, qui rit, noir surtout, et qui se lit (trop ?) rapidement.
Je n’ai pas lu le précédent Mabanckou, Verre Cassé, une annexe semble indiquer que Mémoires de porc-épic en serait une sorte de suite. Cela m’a surprise car ce petit livre m’a fait l’effet d’un exercice de style, agréable et réussi mais que je n’imagine pas (et ne souhaite pas nécessairement) voir renouvelé. J’ai donc hâte de lire Verre Cassé !

!! Attention, la suite de ce post dévoile des infos capitales sur le contenu du bouquin !!

Récit trop concis et hors catégories pour en conserver beaucoup pour mon best-seller à venir, j’en retiendrai tout de même que :

Je pourrai m’autoriser quelques libertés avec la ponctuation…
… à condition qu’elles soient justifiées. Qu’un porc-épic ignore toute ponctuation à l’exclusion de la virgule peut se concevoir, que la mémoire ne se laisse pas enfermer par des points et majuscules ou qu’un récit ne se puisse terminer par un point final également, en revanche ce parti pris semble parfois moins justifié dans les passages très narratifs, où il renforce le sentiment à la lecture d’être face à un exercice de style. Cela m’a fait penser à Comédie Classique de Marie NDiaye, rédigé en une seule phrase étirée à l’infini : on admire la prouesse, sans se laisser complètement porter par le récit.

Je pratiquerai l’autodérision.
Comme lorsque, dans son roman, Mabanckou fait dire à son porc-épic : « pour simplifier les choses et ne pas te polluer l’esprit, je dirai que les romans sont des livres que les hommes écrivent dans le but de raconter des choses qui ne sont pas vraies, ils prétendent que ça vient de leur imagination ».

Je pratiquerai le détournement de citations.
Avouons-le, nous autres lecteurs nous gonflons de fierté quand nous reconnaissons un pastiche de grand auteur. Quand en plus c’est pratiqué avec humour, comme lorsque le héros homme de Mabanckou, Kibandi, parodie Victor Hugo en disant à son double porc-épic « demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je veux que tu suives ce couillon de tireur de vin de palme », on est ravis !

Je garderai mon public à l’esprit, mais ferai en sorte qu’il ne le remarque pas.
Si je me sens dans la nécessité d’expliquer certaines choses de mes mœurs de bretonne à un lectorat que j’imagine parisien, j’essaierai de le faire subtilement, ou alors, si je n’y parviens pas (hypothèse la plus probable, je vous l’accorde) je dirai ouvertement à mes lecteurs ce que je m’applique à faire. Là, on a dans certains passages la sensation que l’auteur, africain, s’adresse et s’adapte à un lectorat occidental, et dans ces moments on croit moins à la spontanéité et à la sincérité du récit.

J’y réfléchirai à deux fois avant d’inclure une annexe.
Surtout quand l’annexe tranche si radicalement avec le récit. L’absence de ponctuation nous plonge dans une histoire infinie (pas de début, pas de fin). L’ajout d’une annexe terre-à-terre, ponctuée, empêche de refermer le livre sur cette sensation d’infinitude (oui mes chers, ce mot-là existait avant Ségolène !). De la même façon, le point de vue du héros porc-épic est affranchi des normes et conventions humaines, il nous offre un certain recul. Il est dommage que l’annexe ramène les propos du porc-épic à une parabole, au discours travesti d’un homme. J’aurais tellement préféré rester sur ce porc-épic et son baobab…

>> Mémoires de porc-épic, Alain Mabanckou, Points, 2007, 228 pages

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