mercredi 31 août 2011

Horreur boréale, d’Åsa Larsson


L’histoire 
Le passé nous rattrape toujours. Telle est l’expérience que fait Rebecka Martinsson, jeune et brillante avocate fiscaliste à Stockholm, lorsqu’un crime atroce frappe l’un de ses anciens proches, membre de la communauté religieuse de Kiruna, la ville lapone de son enfance, la contraignant à y revenir.

Ma lecture 

Quelle désillusion, mais quelle désillusion ! Je vais avoir du mal à m’en remettre. Rendez-vous compte : à en croire ce qu’écrit Åsa Larsson, les rapports hommes-femmes en Suède sont à s’y méprendre rigoureusement semblables à ce qu’ils sont sous nos latitudes. Or si le mythe d’une société éveillée, égalitaire et harmonieuse se brise, que reste-t-il ?
Eh bien il reste un polar, de plutôt bonne facture d’ailleurs.
Premier roman d’Åsa Larsson, Horreur boréale est assez prometteur. Rythmé, alternant plutôt habilement scènes au passé et au présent, habité de personnages ce qu’il faut de complexes et incarnés (la relation entre l’héroïne et sa meilleure amie-ennemie d’enfance, Sanna, est spécialement bien vue), il bénéficie aussi d’une intrigue travaillée et documentée – notamment s’agissant des ressorts traitant des communautés religieuses ou des soupçons de fraude fiscale. Il faut dire qu’Åsa Larsson traite de toute évidence de sujets qu’elle maîtrise : elle-même juriste de formation, elle est comme son héroïne originaire de Kiruna, et l’on ne serait pas surpris d’apprendre qu’elle est ou a longtemps été sensible à la spiritualité.
Sur ce point, je pourrais la comparer à C. J. Box, dont je vous parlais il y a quelques jours, car lui aussi a choisi d’attribuer à ses héros des bouts d’histoire lui appartenant : le Wyoming (sa région), les ranchs (il fut manœuvre de ranch), l’intervention d’un guide de pêche (un autre de ses anciens métiers). Autres points communs : ils sont de la même génération (Åsa Larsson est née en 1966, C. J. Box en 1967), sont favorables au point de vue omniscient, et ont semble-t-il tous deux une aversion éprouvante pour le verbe dire (tous les dialogues sont rythmés de « mentit-elle », « soupira-t-il », « héla-t-elle », « glissa-t-il », etc.). Reste que l’écriture d’Åsa Larsson est beaucoup plus subtile, nuancée que ne l’est celle de C. J. Box.
Horreur boréale n’est pas sans quelques faiblesses, cela dit. Åsa Larsson verse légèrement dans la facilité parfois mièvre d’une Mary Higgins Clark, à laquelle elle a peut-être emprunté un penchant pour les flashbacks et pour la description des tenues vestimentaires, notamment lorsque celles-ci sont de marques coûteuses, ainsi qu’une façon de situer le(s) coupable(s) dans un cercle proche, de faire peser le poids du passé, de présenter les pensées de l’assassin tout en brouillant les pistes, ou encore de développer une romance que l’on voit venir des chapitres avant l’héroïne. Il n’empêche que malgré cela, et malgré une dernière scène inutile et des remerciements qui auraient pu ne pas préciser que les événements décrits sont fictifs, il s’agit d’un premier polar riche et abouti, qui incite à se pencher sur la suite des aventures de son héroïne, Rebecka Martinsson.


Pour mon best-seller à venir, j’en retiens que :
 

J’y irai mollo avec les images d’un même type. 
À la première analogie animale, on reconnaît que l’image est parlante. Mais quand on lit : « Elle prêta l’oreille mais n’entendit que le bruit de son cœur, cognant dans sa poitrine tel un lièvre apeuré. », puis quelques lignes plus loin : « Pas étonnant que la nuit mes pensées tournent en rond, comme un écureuil dans sa roue. », et quelques paragraphes après : « Les deux autres s’agitaient fiévreusement, tels de jeunes chiens flairant une piste. », on se dit qu’à moins qu’il ne s’agisse d’un gimmick supposé nous faire sourire, ce qui ne semble pas être le cas, ça trahit un certain manque d’imagination.

Je vérifierai mes sujets. 

S’agit-il d’Åsa Larsson, ou bien de ses deux traducteurs français ? En tout cas il y en a au moins un, parmi eux trois, qui raffole du placement des subordonnées ou compléments circonstanciels en début de phrase… mais qui derrière la virgule ne place pas le bon sujet ! Ce qui donne, toutes les 4 ou 5 pages, des tournures comme :
À cause de ses petites pattes, l’épais manteau neigeux ralentissait Tjapp.
Les petites pattes de l’épais manteau neigeux ? Mouais.

> Horreur boréale, de Åsa Larsson, Folio Policier, 2011 (édition originale 2003), 389 pages.

dimanche 28 août 2011

Ciels de foudre, de C. J. Box


L’histoire 
Joe Pickett, le fameux garde-chasse du Wyoming, se retrouve aux prises avec les trois frères Scarlett, l’un charismatique et autoritaire, le second sanguin et rural, le troisième fêlé et puissant, tous incapables de contenir leur violence après la disparition de leur mère, tyrannique propriétaire du plus beau ranch de la région. Dans les plaines, d’autres dangers rôdent.

Ma lecture

 Je l’ai échappé belle. Un peu plus et je ratais mon été, dites. Non, vraiment : à quelques jours près je passais un été entier sans avoir lu un polar ! Vous parlez d’une hérésie !! Je sais, je sais, l’été c’est jusqu’au 22 septembre, oui mais reconnaissez que passé le 31 août ce n’est plus vraiment pareil, et quand on parle lecture de polar l’été, on pense farniente sur la plage sous le chaud soleil de juillet-août. Question chaleur, vous me direz, c’était pas vraiment ça cette fois. C’est peut-être ce qui m’a fait oublier tous mes principes d’ailleurs, c’est pas ce ciel maussade qui m’aurait incitée à lire un polar. Sauf qu’un temps pareil inspira peut-être le titre du roman Ciels de foudre de C. J. Box, alors grâce à lui, ouf, j’aurai quand même lu au moins un roman policier cet été !
Et alors, comment est-il ce polar ?
Eh bien, honnête.
Ciels de foudre est encore un de ces bouquins au point de vue omniscient, qui nous font les observateurs des agissements et pensées de chacun, tour à tour et dans un même chapitre. Un de ces bouquins qui, à chaque nouveau personnage croisé, nous racontent son histoire, sa vision des faits et jusqu’à ce qui va lui arriver (à grand renfort d’avertissements aux protagonistes, du genre : « Se montrer ouvertement pour mieux se cacher, c’est comme cela que ça se passait dans cet endroit. Il ne tarderait pas à en tirer la leçon. »). Un de ces bouquins aux situations plus racontées que vécues, aux dialogues peu crédibles, à la morale à la limite du dérangeant. Un de ces bouquins aux métaphores et analogies aussi nombreuses que d’un intérêt limité (« Il reprit ses esprits, sa colère se dissipant peu à peu, à l’image de la vapeur qui s’échappe d’une cocotte-minute »), où les personnages « coulent » des regards ou des sourires toutes les trois ou quatre pages. Un de ces bouquins qui dévoilent les éléments de suspense au fur et à mesure, avant que les héros n’en soient informés, annulant pour le lecteur tout possible effet de surprise.
Alors en quoi est-ce un polar « honnête » ?
Eh bien en ceci que l’intrigue est raisonnablement complexe, très documentée (combien d’auteurs américains sauvés par leur extrême travail documentaire !), le style suffisamment enlevé pour qu’on souhaite tourner la page, et certains personnages (pas tous, malheureusement, C. J. Box est plutôt manichéen dans l’appréhension de la plupart d’entre eux) sont correctement marquants.
Dommage que ceux-là soient bazardés dans une fin manquant d’ampleur. Dommage, enfin, que la traduction française laisse tant à désirer…


Pour mon best-seller à venir, j’en retiens que :

 
Je ne dispenserai pas mon héros d’un affrontement final en apothéose. 

Ok, c’est classique, mais l’on se doit parfois de respecter les règles d’un genre. Même si on adore notre personnage et qu’il nous est intolérable de les voir, lui ou ses proches, en situation de souffrance, il faut se contraindre à en passer par là pour satisfaire nos lecteurs. Eh, c’est qu’ils ont souhaité lire un polar, zut !!

Je me rappellerai qu’analogies et métaphores sont de l’art. 

Je m’abstiendrai donc d’infliger mes images en masse à mes lecteurs, tant que je ne les aurai pas élevées à ce rang. Car un lecteur a tout de même droit à autre chose qu’à :
L’on aurait dit qu’il avait le nez décollé, presque comme s’il pendouillait sur le visage, à l’image d’un oiseau qui vole au ralenti et ne sait pas trop où se poser.
ou :
C’est alors que quelque chose ou quelqu’un passait devant la fenêtre, à l’intérieur, masquant la lumière, à l’image d’un doigt qu’on agite devant la flamme d’une bougie.
ou encore :
Les nuages envahissaient le ciel, à l’image d’un rideau qui masque la lumière et atténue les contrastes.

Je ferai confiance à mes lecteurs… 

Je ne me sentirai donc pas obligée de leur rappeler systématiquement qui est qui, de peur qu’ils ne suivent pas. Alors au lieu d’écrire, comme C. J. Box, ceci :
- Joe est là ? lança celui qui organisait des parties de pêche à la rivière.
J’écrirais plutôt ça :
- Joe est là ? lança Tommy.
C’est bien suffisant, et tout de même moins maladroit, non ?
De la même façon, je n’éprouverai pas le besoin d’expliquer à mes lecteurs les tonalités de mes personnages à chacune de leurs réparties, en ponctuant celles-ci d’expressions du genre « lui renvoya Missy sur un ton méprisant », ou « s’enquit-elle d’une voix calme », ou encore « la corrigea Missy sur un ton glacial ». Si ma scène est correctement écrite, mes lecteurs devraient pouvoir d’eux-mêmes deviner le ton employé par mes personnages…

… mais pourrai néanmoins envisager de les éclairer à l’aide d’un schéma. 

Insérer, comme ont pu le faire Agatha Christie ou J. R. R. Tolkien, un plan de la demeure ou de la région où se situe mon action peut parfois clarifier les choses autrement mieux que ne le font d’interminables pages descriptives. Et puis vous n’oserez tout de même pas prétendre que ce qui était bon pour la reine du crime ou le créateur de la fantasy moderne ne le serait pas pour C. J. Box ou nous, hum ?…

> Ciels de foudre, de C. J. Box, Points Policier, 2010 (édition originale 2006), 340 pages.

dimanche 21 août 2011

Georges Brassens face à Philippe Némo : musique, rythme et inspiration


En cet ultime jour de l’expo Brassens à la Cité de la musique, je ne peux pas ne pas vous parler d’une interview qui y était proposée à lécoute, autre que celle où Georges Brassens et René Fallet évoquent leurs lectures, une interview particulièrement précieuse du poète par Philippe Némo pour France Culture, en 1979.
Brassens y parle musique bien sûr, chansons, modernité, y livre son goût des sciences, son indifférence au confort. Il dit ne pas se considérer poète, et se sentir loin du fin gourmet, pince-fesses et grand buveur qu’on imagine, se décrivant plutôt comme « un anthropoïde frugivore ». Il s’y exprime avec son éternelle mesure, pudique et délicat (« Je n’édicte pas de loi, dit-il, je dis ce que je crois penser »), n’échappant pas toutefois à quelques bouffées d’orgueil (il explique ainsi qu’il est très difficile de chanter Oncle Archibald ou Je me suis fait tout petit, que le public ne peut pas le faire, que seul un musicien peut le faire – ce qu’il illustre en en chantant des extraits avec force involontaires fausses notes, remarquées par Némo, auquel Brassens réplique qu’il « est très fatigué ces temps-ci »).
Comme à chaque fois qu’un grand auteur parle création, il y a matière à s’inspirer. D’autant plus que Brassens est, il le dit lui-même, « quand même un musicien un peu des mots aussi ».
Je ne résiste donc pas au plaisir de vous restituer de larges extraits de ces entretiens…


Apprendre des autres 

L’une des pensées de Brassens, facilement applicable et qui, j’ose la comparaison, n’est pas sans lien avec ce que je proposais pour tous ceux, dont moi, qui n’ont pas la chance d’être des natural born writers, concerne l’enrichissement au contact des autres. Par l’écoute :
Comme école, j’ai d’abord eu mon oreille. Mais c’est très suffisant pour la musique, l’oreille. Sans doute pour le reste aussi. Il est très possible qu’un analphabète, placé au milieu de gens cultivés, puisse devenir à son tour cultivé lui-même rien que par l’oreille, rien qu’en écoutant les autres, (…) on prend ça comme on prend l’accent.
Comme par la lecture :
En arrivant à Paris, en 1940, j’avais 18 ans, j’ai passé mon temps à la bibliothèque du 14ème [ à lire les poètes ], et là je me suis aperçu que j’étais absolument nul. Alors je me suis demandé si, en lisant les poètes, je n’arriverais pas à acquérir, sinon leur génie, du moins (…) à ornementer un petit peu mon esprit de manière à écrire des chansons un peu meilleures que celles que j’entendais quotidiennement à la radio.

De l’inspiration… 

Moins applicable mais partagée par tant d’entre nous lorsque nous tentons de créer, est cette considération sur l’inspiration :
Quand on se met à penser à quelque chose, on finit quand même par trouver au fond de soi des choses dont on ne soupçonnait pas l’existence. Très souvent, une idée me vient comme ça qui me tombe du ciel. Enfin peut-être pas de si haut, mais enfin qui me tombe de quelque part. Un truc m’arrive (…) à la suite d’une réflexion sur laquelle je n’ai aucun contrôle. Une partie se passe dans l’inconscient quand même. Des choses se font un petit peu à votre insu, des choses cheminent toutes seules en vous puis, à la suite d’une conversation, d’une lecture, d’une rencontre, d’une affiche, une idée peut vous venir.

… et des thèmes 

Alors que Némo l’interroge sur les thèmes de son œuvre, parmi lesquels il repère la mort, la femme, la charité, le peuple, Brassens a cette répartie qui pourra soit effrayer, soit ravir les apprentis écrivains que nous sommes : il n’y a presque pas de thèmes.
Ainsi l’expose-t-il :

Il y en a combien, de thèmes ? Il n’y en a pas beaucoup plus. Il y a la patrie, il y a la nature, quels sont les autres thèmes ? Il n’y en a pas 36. (…) Les thèmes sont rares. Je crois les avoir tous plus ou moins bien traités, parce qu’il n’y a pas de thèmes. La nature, l’amour, Dieu, la vie, la mort. Bon, ben l’amitié, l’amour, la fraternité, la solidarité, ce que Monsieur appelait tout à l’heure la tendresse à propos de la femme avec qui on vit, tout ça c’est la même chose, il n’y a rien d’autre. Enfin il y a peut-être d’autres choses mais ça m’a échappé jusqu’ici.
Qu’écrire alors, s’il n’y a pas de thèmes ? Facile : suivre Lao Zi, et trouver sa voie ! Car comme le dit Brassens : « chacun a sa façon de traiter les thèmes éternels ».

La musique des mots 

Le moment peut-être le plus mémorable de cette interview est celui où Brassens se lance dans une fantastique démonstration de l’aspect ternaire du vers français.
Il explique que, exactement comme l’alexandrin français est en 6/8 (« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! »), le vers français est en 6/8 – ainsi que l’est d’ailleurs sa musique favorite.
En les chantant à Némo, Brassens met en évidence les similitudes des rythmes de Perrine était servante, de La mauvaise réputation, de Zimmerwald (« La parole de Lénine  / De Liebknecht et de Rosa  / Retentit dans les champs, les casernes, les usines  / L’ennemi est dans notre pays ») et de Auprès de ma blonde. « C’est le rythme français par excellence, explique-t-il, et c’est aussi le rythme du vers français ».
De Gaulle, dont je vous disais ici que, dans Les arbres qu’on abat, il déplorait face à Malraux ne pas parvenir à se défaire du ternaire dans ses écrits, ne l’aurait sans doute pas contredit.

Se réécouter… 

À la question de savoir si, en tant qu’auteur, on peut jouir de son œuvre aussi bien que l’on jouit de celle des autres, Brassens répond :
Non, car il y a une petite part, si infime soit-elle, de fabrication dedans, qui m’enlève un peu de plaisir, un peu d’attention. Quand je reçois la musique d’un autre je la reçois toute faite alors je suis entièrement disponible. Quand j’écris une musique, je ne suis pas entièrement disponible, le frisson est moins grand. Mais il faut qu’il y ait une espèce de frisson, je ressens une espèce de frisson que je ne ressens que très rarement ailleurs.

… ou être réécouté 

Cette part de fabrication qui peut lui ôter du plaisir est néanmoins nécessaire. Brassens raconte passer beaucoup de temps sur chaque chanson, car la difficulté consiste, selon lui, à créer un morceau qui soit non pas écouté, mais réécouté :
Il me faut à peu près un mois, pour faire une chanson. Pas pour la faire, mais pour la refaire. Comme je chante pour être réécouté, je fais attention à ce que j’écris. Parce que quand on chante pour être écouté une seule fois, [ ça va ], mais quand on chante pour être réécouté, c’est l’épreuve la plus difficile, il faut tenir le coup. Alors il faut quand même soigner ce que l’on écrit. Et très souvent les choses écrites d’un seul jet, comme ça, et qui satisfont l’oreille du premier coup, ne résistent pas longtemps.

Cela ne peut que valoir pour les écrits que l’on destine à être relus.
Mais bien sûr, avant que d’être réécouté, relu, déjà faut-il avoir été écouté, lu. Or Brassens explique qu’il est toujours difficile d’entrer dans une nouvelle œuvre, en ces termes :

On entre toujours difficilement dans… des choses qui ne sont pas des moulins quoi. C’est toujours difficile. Pour entrer dans mes chansons il faut faire un petit effort, il faut être un peu mon complice. Si on n’est pas mon complice, on ne peut pas y pénétrer. Parce qu’il faut faire au moins la moitié du chemin. Il faut que le public ait du talent. Enfin il faut que le public ait le même talent que moi, ou presque. Je crois que les gens qui m’aiment bien ont à peu près le même talent que moi.
On aimerait tant pouvoir lui donner raison…

lundi 15 août 2011

Le contenu de Lire pour écrire approuvé par… un Panda !


À l’occasion du premier anniversaire de Lire pour écrire, je vous ai un peu parlé statistiques de fréquentation. Eh bien figurez-vous qu’il s’est depuis passé une chose fantastique : les stats de ce blog ont cru comme le Yangzi Jiang. L’inondation foudroyante.
Non vraiment : après un an de progression modeste et plus ou moins constante, le blog a vu sa fréquentation doubler en seulement trois semaines !
Par quelle aberration ?
Pas grâce à de la promo, terme inconnu de ce blog, ni trop par le bouche-à-oreille probablement car ce qui a surtout augmenté c’est le trafic généré par les requêtes dans Google.
Oui, il semblerait que vous vous soyez subitement mis à faire trois à quatre fois plus de recherches portant sur des thèmes ici abordés. Cela s’expliquant forcément par un contenu éditorial de grande qualité, toujours plus proche de l’actualité (un effet expo Brassens ?) et touchant de ce fait un lectorat nombreux et ravi.
Pensais-je.
Jusqu’à ce que j’entende parler de Panda. Google Panda, plus exactement, soit un nouvel algorithme du géant de la recherche, qui fait trembler le landerneau du référencement internet. Depuis son déploiement sur le web anglo-saxon entre février et mai dernier, Panda aurait contribué à faire chuter notablement la fréquentation de mastodontes du web (eBay est souvent cité parmi les grands perdants).
Il faut avouer que depuis quelques années les critiques se multipliaient quant au manque de pertinence de résultats arrivant en première page et orientant l’internaute vers des sites bien référencés mais à contenu faiblement qualifié. Google aurait donc développé Panda pour faire un grand tri, focalisé en premier lieu sur la qualité éditoriale.

Mais comment un moteur de recherche peut-il juger de la qualité éditoriale d’un site ?
Plus facilement qu’on ne l’imagine. Par exemple, en :

  • vérifiant que le contenu du site est original et non pas dupliqué ou plagié ;
  • notant la quantité de fautes d’orthographe, de frappe ;
  • s’intéressant à la proportion de mots de vocabulaire rares, à la longueur moyenne des phrases, à la complexité de la construction des phrases ;
  • pénalisant un site proposant de nombreuses pages dénuées de tout contenu éditorial ;
  • avantageant un site aux articles détaillés, par rapport à un autre aux articles courts et sans substance ;
  • sanctionnant une surabondance d’encarts publicitaires et de mots-clés (cette surabondance tendant à prouver que le contenu éditorial n’est alors qu’un prétexte à de la génération de revenus publicitaires) ;
  • s’intéressant à l’engagement des internautes avec les contenus (temps passé sur le site, popularité, relais ou non sur les réseaux sociaux…).

Et qui Google chercherait-il à renvoyer en queue de résultats avec ces critères ?
En premier lieu, les sites dits « fermes de contenus », soit des sites internet producteurs de contenus à la chaîne, rédigés et mis en forme de façon à être spécialement bien référencés par les moteurs de recherche – du moins avant l’arrivée du Panda – et vivant des revenus générés par les clics des internautes sur leurs liens publicitaires, omniprésents et, au passage, souvent générés par… Google ! (les célèbres annonces AdSense)
Ces sites seraient ainsi considérés par le moteur planétaire comme les plus dangereux pollueurs de résultats.
Là, il faut que je passe aux aveux : j’ai moi-même mis à mal la biocapacité du web. J’ai en effet, il n’y a pas si longtemps, écrit pour une de ces fermes de contenus. Bon j’étais un fermier plutôt amateur, de ceux qui font se côtoyer sur un parterre restreint plants de tomates, manguiers et rangées de riz, s’activent frénétiquement trois jours puis délaissent le labeur deux semaines, et s’étonnent ensuite d’un rendement bien modéré. Quoi qu’il en soit si j’ai cessé toute exploitation ce ne fut pas tant en rapport avec la ferme, qui fournissait des outils convenables (un module d’administration simple, une équipe de relecture, des fiches de conseils d’écriture ou d’exploitation des images plutôt bien ficelés), une relative liberté et pas trop de ces comportements déclencheurs des foudres de Panda (pas de duplication de contenu, un minimum de sélection), qu’avec l’exploitant agricole – Google, via ses annonces AdSense justement.

Mais passons.
Depuis l’arrivée de Panda, prétendument effectif en France depuis quelques jours seulement, et pourtant ressenti par quantité d’analystes de référencement web depuis la mi-avril, il y a donc beaucoup plus de trafic en direction de Lire pour écrire.
Ce qui pourrait être très valorisant : si Google référence mieux ce blog depuis Panda, c’est qu’il le classe au nombre des sites à contenu éditorial pertinent, utile et de haute valeur rédactionnelle, youhouhou !
Sauf que ce serait trop simple. Car il se trouve que Lire pour écrire est hébergé sur Blogger, l’outil blog de… Google, eh oui, encore lui. Or j’ai lu que l’ensemble des pages Blogger avait gagné en trafic depuis Panda.

Mouais.
Alors que retenir de tout ça ?
Peut-être simplement que, pour être lu, et quelles que soient ses convictions, mieux vaut savoir choisir son canal de diffusion. Et que, quoi qu’on pense du point de vue d’un panda sur une qualité éditoriale, celui-ci se base sur des principes qu’il ne serait pas forcément idiot d’appliquer à une bonne part de nos écrits…


> Plus d’infos sur les critères de Panda ici.
> Un article très intéressant sur la qualité éditoriale d’un site web .