mercredi 14 juillet 2010

Science & Vie de juin et juillet 2010 : best-sellers, le retour !


Vous faites partie de ces fatigués des suites et remakes de livres ou films ou séries à succès, de ceux qui pensent qu’il n’y a qu’un seul Zorro (et bien sûr dans votre esprit il s’agit de Guy Williams, sûrement pas de Douglas Fairbanks !), qu’un seul Bond, James Bond, de ceux qui pensent encore qu’une pantoufle de verre n’a rien à voir avec une pantoufle de vair et qu’une seule vaut sa morale, que l’histoire de Scarlett et Rhett méritait de demeurer en l’état, que le meilleur des Harry Potter c’était le 3 et que Les passagers du vent auraient pu s’en tenir à 5 tomes ?
Je vous comprends.
Oui, sauf que comme ne m’ont jamais dit mes grands-mères n’empêche que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde pour autant, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs succès, ou quelque chose comme ça.
Et la bonne nouvelle, c’est bien sûr que Science & Vie est là, dotant de petites ailes à capteurs solaires nos muses et de prétextes scientifiques nos reprises de succès. Car pour nous autres futurs auteurs à succès, c’est bien tout le principe et l’intérêt d’une démarche scientifique : ne rien tenir pour acquis, et ne faire consensus que jusqu’à ce qu’une avancée vienne remettre en cause nos convictions passées et nous laisse entrevoir une façon plus moderne et donc forcément meilleure de réécrire l’histoire.
L’autre bonne nouvelle, c’est que vous n’avez même pas besoin de lire Science & Vie de juin et juillet, je vous donne en exclu tous les tuyaux que j’y ai dénichés pour écrire des suites qui, cela va sans dire, surpasseront largement les best-sellers et blockbusters originaux !

S&V et mon remake du Jour d’après.
Désormais je sais que, le jour d’après « la » catastrophe, il y aura plein de vie et surtout des plantes ! Eh oui, désolée Cormac McCarthy, c’est bien joli La route mais même sous un nuage de cendres, sans grande luminosité, avec des pluies acides, un refroidissement général et après des explosions atomiques la vie reprend ses droits, à commencer par la flore (S&V juillet 2010, dossier p. 50-73).
Car, on le sait, la nature a horreur du vide. Sitôt le champ laissé libre à cause d’une catastrophe, des espèces dites « opportunistes » reconquièrent le terrain.
En cas de marée noire, cela se fait par étapes. Sitôt après la marée noire, on assiste à un véritable (et anormal) boom de la vie, jusqu’à ce que l’équilibre se recrée. Il faut compter en moyenne deux ans pour récupérer un écosystème comparable au précédent, quantitativement et qualitativement.
En cas d’explosion nucléaire le vivant ressurgit rapidement, mais se transforme sous l’effet des radiations. Les espèces aux génomes les plus compacts semblent moins affectées, néanmoins toutes les espèces subissent certaines modifications de leur morphologie et de leur métabolisme.
Le cas des incendies est sans doute le plus spectaculaire, car nombre d’espèces ne se portent jamais si bien qu’après un feu de forêt, étant libérées de la compétition d’espèces d’ordinaire plus fortes. La vie reprend très vite, même après le passage de coulées de lave, ne serait-ce que sous la forme de rejets de troncs (l’écorce procurant une certaine isolation thermique), de germination des graines rescapées et des graines profondes, de drageons venant des racines protégées. Et surtout les incendies ne sont pas nouveaux. Il y en a toujours eu, bien avant l’homme, et le vivant s’est adapté pour cohabiter avec. Ainsi certaines graines ne germent que grâce à la chaleur dégagée par les incendies, demeurant au repos le reste du temps, tandis que de nombreuses espèces voient leur germination stimulée par les karrikines, molécules présentes dans la fumée.
Alors, pas de no life’s land dans mon Jour d’après !

S&V et mon remake de La planète des singes.
Ok le dernier remake de celui-là n’est pas vieux, pourtant, n’en déplaise à Pierre Boulle et Tim Burton, il est temps d’actualiser un peu l’histoire. Car son propos, à savoir l’espèce humaine supplantée par l’espèce simiesque, ne tient plus du tout aujourd’hui où l’on sait que l’homme n’est qu’un singe comme un autre, que, loin d’en être une espèce descendante, il n’est ni plus ni moins qu’une des branches de l’espèce, partageant par exemple un ancêtre commun avec le chimpanzé (S&V juin 2010, dossier p. 58-79).
D’ailleurs ce que l’on tenait, du temps de Boulle, pour le propre de l’homme, ne l’est peut-être pas tant que ça. Les singes aussi trichent parfois au jeu pour en laisser d’autres gagner (S&V juin 2010, p. 28). Quant à ce qui est du langage, là encore certaines découvertes chamboulent nos a priori. Le chercheur Alban Lemasson, spécialisé dans l’étude des singes mones de Campbell (qu’il étudie entre autres dans la station biologique de Paimpont, oui oui en Bretagne, oui oui en pleine forêt de Brocéliande, ce n’est pas formidable ça ?, ah je vois d’ici le succès qu’aura Le retour de la planète des singes au royaume de Merlin !) s’attache ainsi à décrypter leur langage fait de « hok-koo », de « krak » et de « wak-oo » combinés en séquences vocales, d’une façon analogue à celle qu’a l’homme de former des phrases à partir de mots (S&V juillet 2010, p. 92-97). Lemasson y repère syntaxe, conversation, comprend désormais nombre de leurs phrases : mâle signalant la chute d’un arbre, l’entrée sur le territoire d’un groupe voisin, le bruit d’un léopard, etc. Bon, ok, les alertes aux léopards ne s’entendent peut-être pas très souvent en forêt de Paimpont. Mais ça peut quand même faire un sacré best-seller !!

S&V et mon remake d’Alerte.
Qu’un singe développe une maladie et nous la transmette par contact direct ou postillons, et c’est la panique mondiale. Alors imaginez l’affolement si un nouveau virus nous venait des plantes, ces espèces capables de disséminer des graines dans les airs, ne connaissant ni frontières ni recensement ! Impossible qu’un humain réagisse à un virus de plante vous dites-vous ? N’en soyez pas trop sûrs. Didier Raoult, virologue au CNRS de Marseille, pense avoir trouvé la preuve d’une infection de l’homme par le virus du piment ! (S&V juin 2010, p. 46-47)

S&V et mon remake d’Orange Mécanique.
Oubliez les lavages de cerveau à la Kubrick, où l’on maintient les yeux du patient artificiellement ouverts pour l’obliger à visionner des heures de messages subliminaux et où on le conditionne à réagir à un stimulus sonore. Désormais, on sait manipuler les neurones chargés de coder la mémoire, pour reprogrammer celle-ci artificiellement (S&V juillet 2010, p. 106-109). Les comportements étant souvent fonction d’un apprentissage associatif (telle odeur est désagréable et correspond à une chose désagréable, je l’évite), il suffit de modifier les neurones chargés de ces informations pour reprogrammer nos comportements. Science-fiction pensez-vous ? Et pourtant on le fait déjà sur des mouches, et on prévoit de pouvoir demain reprogrammer les cellules de l’homme liées à la faim, au sommeil. Ou autre. De quoi faire frémir les jeunes générations !…

S&V et mon remake de L’Arnaque et Ocean’s Eleven.
Fastoche celui-là, maintenant que je sais que, lorsqu’un joueur perd de peu, son cerveau pense avoir gagné, et active ses aires de la récompense de la même façon qu’en cas de succès (S&V juillet 2010, p. 24). Je n’ai donc plus qu’à écrire l’histoire d’un casino truqué de telle façon que les joueurs échouent le plus souvent de peu, afin que leur cerveau, dupé, les encourage à y revenir !

S&V et mon remake de L’expérience interdite.
Plus besoin d’être interne en médecine pour savoir provoquer un état de mort imminente et accéder au fameux tunnel des visions avec une lumière au bout. Aujourd’hui tout un chacun peut en faire autant, il suffit d’un pot d’échappement ! Si si, je vous assure, car les visions de ces expériences de mort imminente pourraient être dues à un excès de CO2, celui-ci modifiant l’équilibre acide-base du cerveau, et provoquant ainsi des hallucinations (S&V juin 2010, p. 46). Peut-être la substance hallucinogène du futur…

En revanche je ne pourrai pas réécrire :
- Le Volte-Face de John Woo : la greffe de visage la plus complète à ce jour, réalisée à Barcelone, n’inclut apparemment pas les paupières… (S&V juin 2010, p. 12).
- Les séries animées cultes. Parce que ce serait un péché impardonnable de leur donner des suites ! N’empêche que je pourrai fabriquer le Grand Condor d’Esteban, en m’inspirant de l’avion suisse Solar Impulse, de 60m d’envergure et conçu pour voler jour et nuit grâce à la seule énergie du soleil (S&V juin 2010, p. 54). Et puis je pourrai fabriquer le vaisseau d’Ulysse 31 ou mieux, celui d’Albator, l’Atlantis : la sonde à voile solaire japonaise Ikaros a un design tout à fait comparable (S&V juillet 2010, p. 48-49 et 84-91).

Mais je pourrai écrire un remake des Structures élémentaires de la parenté, de Claude Lévi-Strauss !
Ok ce n’est peut-être pas le best-seller ultime. Mais reconnaissez que ça fait chic, après tous ces remakes, d’envisager celui de la thèse d’un ethnologue ! Dans ses travaux de recherche, Lévi-Strauss établit un lien entre prohibition de l’inceste et naissance de la société. Soyons plus modernes que cela ! S&V nous explique que le risque génétique lié à l’inceste (enfants malades ou non viables) n’existe peut-être qu’à cause de cette prohibition de l’inceste (S&V juillet 2010, p. 112-114). Absurde ? Non : la consanguinité favorise l’expression des allèles porteurs de mutations dommageables, certes, mais la surmortalité infantile résultante permet l’élimination naturelle des individus porteurs, et ainsi l’élimination progressive de cette anomalie génétique. Le tabou de l’inceste de nos sociétés empêche ce nettoyage génétique. Mon remake opposera donc, aux positions rétrogrades de notre société, l’avènement d’une société de la nature, encourageant l’inceste pour le bien de nos gènes ! Des objections ?...

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