jeudi 22 juillet 2010

Ritournelle de la faim, de J.M.G. Le Clézio

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Je ne vous en dirai pas trop sur Ritournelle de la faim. Parce que certains d’entre vous peut-être ne l’ont pas encore lu et je ne voudrais surtout pas risquer de leur en gâcher la lecture.
C’est un récit magnifique, personnel, investi et bouleversant.
Je n’imagine pas qu’on puisse ne pas aimer, ne pas être touché, par les personnages, le propos, la justesse, la poésie des mots.
C’est un livre qu’il ne faut pas décrire – c’est du Le Clézio. Parler de l’histoire serait déjà trop en dire, car les informations nous arrivent par nœuds de mémoire qui se démêlent progressivement, avec une maîtrise invraisemblable de l’art de nous amener là où il faut, dans notre compréhension de la trame comme dans nos sentiments.
Juste, pour le plaisir, quelques mots par lesquels Le Clézio décrit la faim dont il est question dans son bouquin :
La faim,
une sensation étrange, durable, invariable, presque familière pourtant. Comme un hiver qui ne finirait pas.
Pas une phrase qui ne soit de ce niveau. Alors, (re)lisez-le !


Pour mon best-seller, et sous réserve que d’ici là je sache écrire comme Le Clézio, j’en retiens que :

Pas plus que lui je ne chercherai à tout expliquer.
Quand Ethel se raconte, elle peut dire : « Alexandre fit ceci » mais sûrement pas : « Mon père, Alexandre, fit ceci ». Elle sait qu’Alexandre est son père, elle ne va pas se le dire. Et le lecteur comprendra bien assez tôt qui il est pour elle.

Comme lui, je dirai les émotions telles qu’elles sont, même si cela fait cliché.
Un émoi, et le cœur bat plus vite. C’est un fait. Alors mes héros ont parfaitement le droit d’aller « le cœur battant », et même de « sentir leur cœur battre plus fort » plusieurs fois dans une même histoire. Tous les héros de tous mes romans ont le droit d’avoir parfois le cœur battant (Ethel dans Ritournelle de la faim, Lalla dans Désert, Fintan dans Onitsha…). Ces mots sont simples, l’image usée ? Et alors ?!

Comme lui, je m’autoriserai les ressemblances entre héros de différents bouquins.
Ethel de Ritournelle de la faim partage avec de nombreux autres héros de Le Clézio un même rapport au sable, à la mer, aux nuages, au voyage, au déracinement, une même rébellion. Référents ou réactions que beaucoup d’entre nous partageons. Pourquoi vouloir à tout prix créer des personnages dissemblables en tous points ?

Comme lui, je rapporterai des conversations mot pour mot.
Comment ça, il n’était pas né dans les années 30 et a forcément inventé les conversations de salon qu’il rapporte ? Je n’y crois pas, elles sont si justes, si vraies, elles ont eu lieu et il a tout enregistré et restitué, c’est évident !

Comme lui, j’accepterai que la vie soit aussi faite de répétitions.
Car certains événements n’ont d’importance que par rapport à des événements déjà vécus. Si mon héroïne prend 15 ans en quelques pages, j’ai le droit de la faire se souvenir d’un événement survenu 10 pages plus tôt. Redondant à la lecture ? Oui mais la vie est redondante, une ritournelle, le Boléro de Ravel…

Par contre, je veillerai à ce que l’édition de poche respecte mon travail.
Quelle beauté que la progression de ce récit. Quelle force dans ses dernières pages. Et quel scandale que la quatrième de couv de l’édition de poche ne livre rien moins que… les toutes dernières phrases du bouquin ! Quatrième de couv à ne surtout pas lire donc pour un plaisir de lecture intact !

>> Ritournelle de la faim, J.M.G. Le Clézio, Folio Gallimard, 2010, 205 pages.

2 commentaires:

  1. Tu me laisses sur ma... "faim" ! J'ai envie d'aller dévorer ce roman !
    Ton écriture est toujours aussi belle, recherchée et sensible ! Ne laisse pas tomber ! Ce blog est une pépite dans le lit de la rivière Internet !

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  2. Merci beaucoup pour les encouragements ! J'ai déjà prêté mon exemplaire de "Ritournelle..." mais si tu ne l'as pas lu dans l'intervalle je te le passerai sitôt récupéré.
    Et puisqu'on en parle, je connais d'autres blogs très chouettes et plein d'idées qui mériteraient de ne pas être laissés à l'abandon... pas vrai ? :)

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