jeudi 24 juin 2010

Ferdinand et les iconoclastes, de Valérie Tong Cuong


L’histoire
L’ascension fulgurante dans une multinationale de cosmétiques de Ferdinand, qu’on nous décrit jeune, brillant et beau à l’extrême (mais que l’on juge surtout trop désincarné pour nous toucher), et qui se laisse manipuler par la première envouteuse arriviste venue. Jusqu’au jour où il réalise qu’il « a grandi sans enfance, s’est marié sans amour et survit sans plaisir ». Tintintin !!

Ma lecture
Tous les bouquins ne peuvent pas être des coups de cœur. Après Hell bent for leather je me doutais que je risquais d’être un tout petit peu déçue par ma lecture suivante. Mais je n’aurais pas imaginé l’être à ce point.
Par mansuétude je tairai le nom de la librairie de banlieue parisienne où j’ai acheté Ferdinand et les iconoclastes parce qu’il figurait dans le présentoir des « recommandés », en attendant on ne risque pas de me voir souvent y refaire des achats. Parce que ce bouquin c’est des clichés, à la pelle : le golden boy charismatique inconscient de son charme qui ravage tout sur son passage mais est au fond un utopiste marxiste aspirant à un monde meilleur, l’assistante des ressources humaines rêveuse grande lectrice et transie d’amour et complexée et elle-même inconsciente de sa grande beauté, l’arriviste à bas résille experte en manipulation d’un homme et de ses parents mais aussi en positions du kâma-sûtra et ne pensant qu’argent institut de beauté et vie auprès des people. Et puis c’est aussi de fausses grandes idées, de l’utopie non communicative car trop naïvement et rapidement exprimée. Aucune finesse, aucune surprise, aucune innovation.
Rien à sauver alors ? Bah admettons qu’il y a quelques idées, et que ça se laisse lire tout de même, car heureusement pour nous Valérie Tong Cuong ne semble pas avoir de prétentions littéraires, ses phrases sont courtes, précises, sans aucune poésie, elles vont droit au but, rien ne vient perturber la lecture ou nous emmener ailleurs, en deux trajets de métro c’est avalé ! Et puis il n’y a pas de coquilles orthographiques, c’est déjà ça.
Quoi ?! Vous me soupçonnez d’être excessive ? Bon très bien, ok, si vous y tenez la parole est à la défense, l’auteure, qui décrivait ainsi son histoire dans une interview donnée à Air France Magazine lors de sa parution : « Le héros de mon dernier roman est l’un de ces dirigeants qui façonnent la planète. Arrivé au sommet de la pyramide, il prend conscience des dérapages du système, de cette folie qui couve partout et, dès lors, n’a qu’un but : changer le monde. Et il va trouver la solution ! ». A vous de voir si ça vous tente de vérifier si solution il trouve…

Pour mon best-seller je n’en retiens pas grand-chose, mais tout de même :

J’éviterai de me prendre pour Paul-Loup Sulitzer.
Sauf si je suis Loup Durand, bien sûr. Car, oui, le genre western financier a ses exigences, qui ne doivent pas être aussi simples qu’il y paraît vu que preuve est faite que l’on peut magistralement s’y casser les dents.

J’éviterai de m’aventurer sur des terrains que je maîtrise moyennement.
Quand on arrive après un bon siècle de littérature d’anticipation/science-fiction sur la prise de conscience des machines et sur leur remplacement progressif de l’homme, on ne peut convaincre le lecteur d’une supposée révolutionnaire découverte en intelligence artificielle en dix lignes naïves.
La même chose vaut pour les sphères économico-financières : on veut bien essayer de croire à l’ascension fulgurante de Ferdinand dans l’univers des cosmétiques, mais n’aurait-il pas pu devoir cette réussite à une invention plus crédible que « Essential gum, le chewing-gum aux alicaments essentiels qui en trois minutes par jour changera votre vie » ?

J’éviterai de révéler mes grandes idées révolutionnaires si elles ne le sont pas.
Vous savez, le genre : « et si demain on laissait les machines travailler pour nous et qu’on en profitait pour mettre en place une société de loisirs ! Ahah, ça vous en bouche un coin cette idée à laquelle vous n’aviez jamais pensé, pas vrai ! ». Oui, c’est de ce calibre.

J’interdirai à mon éditeur d’illustrer ma première de couv avec ma fameuse idée révolutionnaire.
Et paf, un robot devant un écran d’ordi sur la couv de l’édition poche, oh trop dommage, dire qu’il aurait pu y avoir un gros suspense dans les 50 dernières pages du livre avec cette idée jamais lue ailleurs d’un robot venant remplacer l’homme au boulot !! Mouaif.

J’éviterai les épigraphes de pointures quand je m’apprête à narrer une histoire simplette.
Car quand le lecteur ouvre un bouquin qui porte en épigraphe des mots de Jean-Paul Sartre (« Il n’existe toujours pas de théorie marxiste de la révolution et de l’état révolutionnaire dans un pays développé »), il espère trouver un récit qui en soit digne. Il n’en est que plus déçu quand il doit subir 250 pages d’une niaiseuse dénonciation de la société de consommation.

Je me souviendrai qu’une histoire ça se raconte.
Le lecteur se fout qu’on lui dise qu’un événement a eu lieu, il veut qu’on le lui raconte. Qu’on le lui montre. Quand, à un moment crucial de l’intrigue, alors qu’on se demande (sans grande passion non plus hein, on est juste à peine curieux…) comment Ferdinand va amener les autres dans son utopie, Valérie Tong Cuong écrit : « Ferdinand savait être persuasif. Après plusieurs heures de débat passionné, tous finirent par accepter son plan. », elle esquive, par facilité imagine-t-on, l’écriture de l’une des seules scènes qui auraient pu nous intéresser. Ballot.

>> Ferdinand et les iconoclastes, de Valérie Tong Cuong, J’ai Lu, coll. Nouvelle Génération, 2006 (paru chez Grasset en 2003), 245 pages.

2 commentaires:

  1. Ca donne envie de courir dans une grande librairie l'acheter, ce petit chef d'oeuvre !

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  2. Eh oui, c'était bien l'objectif de ce billet !

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