lundi 20 septembre 2010

Invisible, de Paul Auster


L’histoire
En 1967, un jeune étudiant américain rencontre un couple de français vorace qui va bouleverser sa vie. Il raconte, se raconte, est raconté, quarante ans plus tard.

!! Attention, la suite de ce post dévoile des infos capitales sur le contenu du bouquin !!


Ma lecture
S’il fallait une illustration à la théorie de Houellebecq sur le nécessaire « couper tout » de l’écrivain, inutile de la chercher plus loin que dans l’Invisible de Paul Auster. Ici on ne coupe pas seulement le flux d’information : pour se dire on coupe son identité, l’identité des autres, on efface les lieux, on brouille les repères, on questionne la fiabilité de la mémoire, parfois même on la nie, au besoin on interrompt sa vie, on coupe le « je », le remplaçant par le « tu », le « il », pour mieux s’exposer ou disparaître au milieu de tant de trompe-l’œil. À l’inverse de Houellebecq, les deux écrivains narrateurs d’Invisible ne considèrent pas qu’ils en savent suffisamment pour écrire, ils écrivent au contraire pour faire la lumière, révéler l’ombre, tester une ou de multiples vérité(s).
Certains ressorts semblent trop évidents, certains personnages ne convainquent pas, cependant tout cela est à peine écrit que sitôt remis en question dans ce récit en labyrinthe à l’écriture aussi limpide que la construction est alambiquée et la réalité instable.
Un mot sur un thème dont j’avais entendu qu’Auster l’abordait dans Invisible : l’inceste entre un frère et une sœur. Oui ok il l’aborde. Mais ce n’est ni essentiel, ni sulfureux, ni certain (vous aurez compris que rien ne l’est dans Invisible, si ce n’est Paris, qui, comme le chantaient Jeanne Moreau et Brigitte Bardot dans Viva Maria, toujours sera Paris…), ni radical ou bouleversant, en tout cas pas lorsque cette lecture arrive après celle d’un Michel Onfray ou, évidemment, d’un John Irving. Alors s’il vous faut l’aborder avec un thème en tête, je suggère plutôt celui d’un Alain Resnais, période Marienbad


Pour mon best-seller, j’en retiens que :

Je m’interrogerai sur la personne la plus à même de raconter une histoire.
L’écrivain héros d’Invisible estime vital de se raconter, mais l’écriture bloque. Un autre écrivain lui suggère d’écrire à la deuxième personne. Le récit passe alors du « je » au « tu ». Un aléa, et le récit passe au « je raconte il ». Puis à un « je » réécrit, puis au « je » de quelqu’un d’autre, un « je » de journal intime.
Et vous savez quoi ? Cela marche !...

J’adopterai l’opiniâtreté dans l’exercice d’écrivain.
Chaque jour, le jeune étudiant Adam Walker s’isole quatre heures pour écrire. Pas mal non ? Ben oui, mais c’est un personnage de fiction. Certes, pourtant tenez, à en croire ses remerciements, en période d’écriture Marisha Pessl, auteur de La physique des catastrophes, peut s’enfermer non pas quatre mais dix à douze heures par jour pour avancer sur son bouquin. Eh oui, c’est du boulot ! Alors, à votre tour ?...

Je resterai prudente avec les noms qui font sens.
Les personnages d’Invisible s’appellent Adam Walker, Rudolph Born, Jim Freeman. Adam Walker pour le héros en action, celui qui cherche à expier un péché originel ; Rudolph Born pour celui qui permettra à Walker de se révéler ; Jim Freeman pour celui que Walker aurait rêvé être et qui libèrera son écriture. Pas vraiment dans la subtilité… Oui sauf que ces noms ne sont peut-être que des inventions – ces personnages sont-ils d’ailleurs tous réels, ou n’incarnent-ils pas différents états d’un même homme ?...
Alors ok pour le tolérer cette fois-ci chez Auster. Mais il ne s’agirait pas d’en abuser, non plus !

Comme Auster, je trouverai le titre parfait.
Je n’ai rien contre les titres accrocheurs (La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette, de Stieg Larsson), ou les titres évidents, ceux par exemple nommant le héros (Carrie, Jessie, Christine, etc., de Stephen King), mais certains titres sont vraiment parfaits, ajoutent une dimension au bouquin. C’est le cas d’Invisible, qui en un mot nous dit tout, la confusion, le vertige, les possibles interprétations, un titre qu’on relit après avoir refermé le bouquin en se disant qu’il n’aurait pas pu y en avoir de plus juste. Rare, non ?, chez qui ne s’appelle pas Marguerite Duras…


>> Invisible, Paul Auster, Faber and Faber, 2010, 320 pages.

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