mardi 5 avril 2011

La carte et le territoire, de Michel Houellebecq


L’histoire
Que l’on soit artiste, architecte, écrivain ou commissaire, dans les années 80, 2000 ou 2020, comment accepter et restituer une époque.

Ma lecture
Je le remarquais déjà ici, on n’échappe pas à la sortie d’un roman de Houellebecq. On ne peut se boucher yeux et oreilles avec suffisamment d’application et de persévérance pour n’en rien entendre avant de le découvrir par soi-même. À plus forte raison quand le roman en question se transforme en Goncourt, forcément controversé.
Alors évidemment, bien avant de le lire je savais que Houellebecq était un personnage de son propre roman. J’avais entendu surtout ces accusations de plagiat à Wikipédia. Et sur ce coup-là, je me sentais hyper solidaire. C’est que l’atout Wikipédia, je connais ! Ben oui, en période de NaNoWriMo, quand on est contraints d’écrire sans se retourner et sans avoir le temps d’effectuer des investigations approfondies, quoi de plus naturel que d’innocentes petites recherches sur le web participatif ? Et si des pages Wikipédia décrivent exactement, à la nuance près, un concept, un point technique, pourquoi aller en modifier la moindre virgule ? On se sent davantage plagiaire en réécrivant du Wikipédia pour n’avoir pas l’air de, qu’en en copiant/collant, non ? (et non, ce n’est pas (uniquement) comme ça que j’ai gagné mon NaNo, non !)
Tout ça pour dire que j’ai abordé ce livre en lectrice avertie mais, pensais-je, bienveillante. Sauf qu’à la lecture de ces si longues pages de descriptions de voitures, de courants artistiques et autres anecdotes historiques, j’ai franchement douté de l’intérêt même de la chose. Témoigner d’une époque ok, utiliser pour ce faire les outils de ladite époque c’est la logique même, mais y fallait-il tant de détails assoupissants ?
Hormis cela, et un changement de rythme dans le récit dont je me serais passée, reste Houellebecq, Houellebecq-auteur, Houellebecq-personnage, avec son témoignage lucide et mélancolique d’homme qui se vieillit avant l’âge. Imaginez combien les motivations humaines doivent paraître prévisibles, ridiculement peu nombreuses et primaires, quand on est un écrivain à la Houellebecq, ou un commissaire à la Pennac (oui, le commissaire de La carte et le territoire a beaucoup du divisionnaire Coudrier de la série Malaussène, ce qui est assez surprenant, on ne s’attend pas vraiment à trouver des ressemblances entre un Pennac et un Houellebecq). Il faut alors se résoudre à la médiocrité, à l’absence de divertissement (problème commun aux Leroy-Merlin, dirait Frédéric Lefebvre) ou de stimulation nouvelle, et c’est ce désabusement des aînés (Houellebecq ou le père de Jed, très semblables jusqu’à parler d’une voix presque non distinguable) qui fait que j’ai reposé le bouquin en me disant qu’on ne perd décidément jamais son temps en lisant un Houellebecq.


Pour mon best-seller à venir, j’en retiens que :

Je profiterai des privilèges de mon prétendu grand âge…
… et dispenserai à satiété ma profonde sagesse, fruit de mon incomparable expérience. Comme Houellebecq, quand il assène des vérités du genre :
C’est sans doute par compassion qu’on suppose chez les personnes âgées une gourmandise particulièrement vive, parce qu’on souhaite se persuader qu’il leur reste au moins ça, alors que dans la plupart des cas les jouissances gustatives s’éteignent irrémédiablement, comme tout le reste. Demeurent les troubles digestifs, et le cancer de la prostate.

J’emploierai des points-virgules.
Il est rare d’en trouver autant que chez Houellebecq ; et c’est bien dommage ; non, là c’était raté ; bon tant ; pis.

Je ne me sentirai pas obligée de sacrifier à la rencontre cliché.
On sent bien à la lecture que Houellebecq ne devait pas croire très fort à la rencontre entre Jed et Olga en l’écrivant. Du moins, j’espère qu’il n’y croyait pas !…

Je dirai, et ferai l’inverse. 
Surtout si l’on m’interroge sur de l’aussi indiscret que l’écriture d’un roman ! Alors comme Houellebecq je dirai qu’il est « impossible d’écrire un roman (…) pour la même raison qu’il est impossible de vivre : en raison des pesanteurs qui s’accumulent. » À condition que, comme Houellebecq, ça ne m’empêche pas d’en écrire tout de même, et un best-seller qui gagnera un Goncourt s’il vous plaît !

Je donnerai malgré tout quelques conseils aux apprentis auteurs.
Des conseils d’autant plus appréciables qu’ils vont à contre-courant des habituels articles fleuves sur le combat que les écrivains en devenir devraient tous mener contre la procrastination. Pour Houellebecq, il semble bon d’attendre :
On peut toujours, lui avait dit Houellebecq lorsqu’il avait évoqué sa carrière romanesque, prendre des notes, essayer d’aligner des phrases ; mais pour se lancer dans l’écriture d’un roman il faut attendre que tout cela devienne compact, irréfutable, il faut attendre l’apparition d’un authentique noyau de nécessité. On ne décide jamais soi-même de l’écriture d’un livre, avait-il ajouté ; un livre, selon lui, c’était un bloc de béton qui se décide à prendre, et les possibilités d’action de l’auteur se limitaient au fait d’être là, et d’attendre, dans une inaction angoissante, que le processus démarre de lui-même.

J’irai au plus simple.
Je ne me fatiguerai donc pas en épuisantes recherches sur mon sujet, quand il est nettement plus aisé et gratifiant de se poser en auteur français qui fait dans l’authenticité et le littéraire, et non dans la recherche, la besogne et l’exactitude à l’américaine. Observation qui me vient des remerciements de Houellebecq : « Je n’ai d’habitude personne à remercier, parce que je me documente assez peu, très peu même si l’on compare à un auteur américain. »
Comment ça, vous ne trouvez pas que cette démarche soit plus accessible ? Mais je n’ai parlé que de posture, attention, pas de qualité !

> La carte et le territoire, Michel Houellebecq, Flammarion, 2010, 428 pages.

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