jeudi 22 avril 2010

Dexter, de Jeff Lindsay

lire dexter de jeff lindsay pour mieux ecrire - Ce cher Dexter, Jeff Lindsay, VF, Points 2006, traduction Sylvie Lucas, 308 pages
- Dearly Devoted Dexter, Jeff Lindsay, VO, Orion New Ed, 2006, 304 pages
- Dexter in the Dark, Jeff Lindsay, VO, Orion 2008, 384 pages
- Dexter by Design, Jeff Lindsay, VO, Orion 2009, 352 pages
+ Série tv Dexter créée en 2006 par James Manos Jr d'après les romans de Lindsay, Showtime, saisons 1 à 4, avec Michael C. Hall et Jennifer Carpenter


L'histoire en quelques mots
Tout intelligent qu'il soit, Dexter Morgan n'entend rien aux sentiments. Le seul qui semble l'animer est une pulsion de mort qu'il assouvit en tuant la nuit et traquant des tueurs le jour (il est expert en sang à la criminelle de Miami).

Ma lecture
Bon avant de vous dire ce que j'ai pensé des bouquins autant vous avertir : j'ai vu les saisons 1 à 4 de la série tv (dont 32 épisodes en un week-end, quelqu'un parmi vous aurait une vie aussi trépidante que la mienne et le temps et l'envie de tenter de battre ce record ?) avant de savoir que des livres préexistaient, donc il faudra repasser pour le regard vierge, ET j'ai lu les tomes 2 à 4 en anglais, donc n'espérez pas une analyse des subtilités du style de Lindsay (chose qu'après une lecture en VF je serais tout autant incapable de faire, d'ailleurs).
Ceci étant posé, quel personnage intéressant que ce Dexter quand on le découvre pour la première fois, sur écran ou papier ! Drôle, fin, cynique, politiquement incorrect (encore que dans la version tv les méchants sont toujours promis à un sombre avenir et la barbarie atténuée), possible emblème de ceux qui se sentent au verso car plus qu'un tueur en série sans sentiments on rencontre un héros non conditionné par les règles de vie en société (spécialement dans les livres, la série tv a moins développé cet aspect, dommage) et perplexe devant les réactions humaines types, qu'il s'applique à imiter. N'allez pas croire que j'insinue que Dexter n'est pas monstrueux, car que de violence dans certains tomes, où l'on reste désemparés devant la légèreté avec laquelle Lindsay sacrifie des personnages principaux – ou des bouts essentiels du corps de certains personnages principaux. Mais le prétexte de son besoin de tuer permet une écriture non censurée et rafraîchissante, écriture par ailleurs agile et joliment imagée.
Tout n'est pas réussi cependant :- les personnages féminins sont superficiels et leurs descriptions font très adolescentes (ce que l'on peut pardonner quand elles sont données du point de vue de Dexter, dont le développement émotionnel est au mieux pré-pubère, mais qui gêne quand le point de vue est de toute évidence celui de l'auteur). Ainsi, Deborah, sœur de Dexter, est nettement plus réussie dans la version tv, tant psychologiquement que physiquement puisqu'interprétée par la géniale Jennifer Carpenter ;
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l'intrigue manque d'originalité, de crédibilité et de travail, les ressorts sont souvent simplistes et il est incompréhensible que Dexter ne se soit pas déjà fait prendre mille fois ;
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l'ensemble de la série de livres souffre d'un vrai déficit de continuité (imaginez qu'un grand méchant recherché pendant tout un tome par la police, le FBI et consorts s'échappe dans les dernières pages en laissant Dexter dans une posture difficile, mais que dans le tome suivant on ne l'évoque même pas : agaçant, non ?) ;
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et, point le plus regrettable, le personnage de Dexter s'appauvrit de livre en livre : le héros supposément surdoué accumule les gros manques de discernement, se fait moins différent, moins tueur, moins brillant (entre nous, si son passager noir fuit, doit-il pour autant devenir stupide au point de ne plus savoir calculer 2+2 ?), plus faillible, exprime de plus en plus de sentiments et perd du même coup sa singularité, s'éloignant du grand prédateur initialement entrevu.
Au final, lecture qui vaut le coup alors ? Oui malgré tout, car le suspense fonctionne, chaque page appelle la suivante, il y a beaucoup de trouvailles et d'humour, et en ce qui me concerne le personnage disposait d'entrée d'un tel capital sympathie qu'à chaque faiblesse je me disais que c'était l'auteur qui n'était pas à la hauteur de sa création et non l'inverse.

J'en retiens que dans mon best-seller j'éviterai :
- De créer un héros aussi passionnant et prometteur que Dexter si c'est pour, au fil des tomes, le décrédibiliser.
- De créer un héros trop intelligent pour moi que je serais incapable de faire raisonner au niveau qui devrait être le sien (ou alors ok pour un héros très intelligent mais j'aurai la sagesse de ne pas lui faire dépasser l'âge de 5 ans, âge auquel son niveau de développement intellectuel devrait demeurer je l'espère à peu près à la portée de ma compréhension).
- De donner au lecteur des clés que les protagonistes ignorent (par exemple dire qui est le tueur avant que qui que ce soit le sache, en usant parfois d'une voix off (oui il ose !!), ou encore insister lourdement au début d'un tome sur une scène qui permettrait au héros de comprendre tout le nœud de l'intrigue si seulement il y repensait… ce qu'il ne fait jamais avant la fin du tome malgré les gros voyants que l'auteur fait régulièrement clignoter devant ses yeux !) parce que, comme ici, cela a souvent pour effet de rendre le héros atrocement lent à la détente aux yeux des lecteurs, et parce que ça casse tout possible effet de suspense, résultat chaque page jusqu'au dénouement (dénouement pour les personnages uniquement hein, nous autres lecteurs on nous a déjà expliqué la fin au début !) semble s'étirer à l'infini.

En revanche dans mon best-seller j'adopterai :
- Le personnage attardé émotionnellement, pratique car il permet de ne pas avoir à justifier des actes violents tout en préservant la morale, et de ne pas avoir à traiter de scènes de sexe sans qu'on y voie une gêne de l'auteur à s'aventurer sur ce terrain. Donc si je veux vendre pour toutes les tranches d'âge dans tous les pays du monde pour hommes ou femmes libertaires ou puritains je creuserai cette idée.
- Le héros inoubliable. Car le capital sympathie ou intérêt d'un personnage peut pousser à poursuivre la lecture d'un tome puis des suivants quand bien même l'intrigue est faible.

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