samedi 28 mai 2011

Les lectures indispensables de Georges Brassens et René Fallet


Il y a quelques bonnes trouvailles à l’expo Brassens organisée par Clémentine Deroudille et Joann Sfar à la Cité de la musique à Paris, jusqu’au 21 août prochain. J’ai un faible pour certaines archives de l’INA, et notamment une interview télévisée de 1967, quand Polac reçut Georges Brassens et son ami écrivain René Fallet à sa « Bibliothèque de poche ».
Michel Polac y interroge les deux amis, le poète et l’écrivain, sur leurs lectures. Dans ce qui nous est donné à voir, c’est essentiellement Brassens qui répond.

Et à quarante-six ans, Brassens commence par répondre qu’il ne lit plus autant qu’avant, que désormais il relit. Il explique en effet :
Je me suis aperçu que j’avais mal lu pendant très longtemps, alors je relis, de peur que trop de belles choses m’aient échappé – en réalité la plupart des belles choses m’avaient échappé. (…) Tous les quatre ou cinq ans, on a quand même une façon de juger un peu différente.
Tous les quatre ou cinq ans. Hum. Ce blog a un an, faudrait-il que j’envisage de le faire boucler tous les quatre/cinq ans, d’alors relire tous les bouquins dont j’aurais parlé précédemment et d’actualiser mes points de vue en fonction de ma nouvelle façon de juger ? Peut-être. Mais tous les bouquins dont j’aurais parlé… ça inclut déjà un Guillaume Musso, un Paulo Coelho et un Immarcescible ! Donc je ne vous promets rien.

Mais Brassens alors, que relit-il ?
Tout d’abord, Voltaire.
Et de la poésie, bien sûr : Louis Aragon, François Villon, Paul Fort (« Si tous les gars du monde voulaient se donner la main, ils feraient quelque chose pour Paul Fort », dit Brassens. Vous seriez partants pour qu’on se donne la main et qu’on fasse quelque chose pour Paul Fort, plutôt que de s’infliger des relectures d’Immarcescibles tous les quatre/cinq ans ?)...
Du Maupassant, en particulier ses contes (la chanson de Brassens La fille à cent sous est tirée de l’un d’eux).
Gil Blas aussi, dont René Fallet dit que Brassens le lui a fait lire. S’il ne l’avait pas lu jusqu’alors, c’est que, dit-il, « l’ennui des chefs d’œuvre, c’est que très souvent on n’a pas envie de les lire ». Il ajoute : « Peu de gens ont lu Gil Blas ». Brassens rétorque : « Non, les gens qui aiment la lecture et qui essaient de faire leurs humanités, ils lisent Gil Blas quand même ». Rassurez-moi, René Fallet est plus dans le vrai que Brassens là-dessus, non ?

Mais surtout, juste après Voltaire, Brassens relit Mon oncle Benjamin de Claude Tillier. Il le relit même chaque année. « [ René Fallet et moi ] ne lions pas connaissance avec un nouvel ami sans l’obliger d’abord à lire Mon oncle Benjamin », dit Brassens à Polac (avoir vu le film avec Brel, vous pensez que ça suffit à être de leurs amis ?). René Fallet renchérit, disant que Brassens et lui sont « les agents secrets de la littérature », qu’ils « se passent Claude Tillier sous le manteau ».
Brassens dit encore : « Je ne sais plus qui a dit "un auteur c’est un homme qui prend dans les livres tout ce qui lui passe par la tête" », lui en tout cas s’est découvert en lisant Mon oncle Benjamin.
Alors, si vous faites partie de ceux qui se sont découverts en écoutant Brassens, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Sachez toutefois que devenir un authentique auteur n’est pas sans risque :

- En fait, pour un écrivain, il y a une chose très ennuyeuse qui peut survenir, dit René Fallet. C’est de mourir.
- Et ça leur arrive à tous, hein, tu as remarqué ?, répond Brassens. Y’en a pas un qui ait survécu…

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