mardi 5 juillet 2011

Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows


L’histoire 
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, correspondance entre Juliet Ashton, jeune écrivain, et ses proches, son éditeur, ainsi qu’une poignée de guernesiais, créateurs d’un cercle littéraire d’amateurs de tourte aux épluchures de patates.

Ma lecture 

Quelle fraîche et aimable promenade dans le Londres et le Guernesey d’après-guerre que ce livre, qui restera l’unique de Mary Ann Shaffer, née en 1934 et décédée en 2008, peu après avoir appris que son roman, achevé avec l’aide de sa nièce Annie Barrows, s’apprêtait à être publié et multi-traduit.
À quoi le charme tient-il ? À la période traitée peut-être, cet après-guerre dont il nous semble concevable qu’il ait été l’occasion de rapports aussi bon enfants, terriens et aimables que ceux qu’entretiennent les principaux personnages du livre. À la simplicité désuète (comme quoi désuétude et fraîcheur peuvent aller de pair, eh oui) de ces rapports précisément, qui créent cet univers délicieux et confortable où il est si plaisant de se laisser embarquer. À cette évidence dans les relations qu’entretiennent les différents protagonistes avec la lecture, avec l’écriture aussi : Juliet par exemple ne doute pas un instant de ses compétences ou de sa légitimité d’écrivain. Et à cet humour pince-sans-rire et absurde so british, employé par une majorité de personnages.
C’est là l’une des légères défaillances du livre d’ailleurs, le fait que les voix soient si peu différenciées, qu’à de subtiles nuances près le ton des lettres des différents personnages soit si semblable. L’autre bémol que j’y mettrais tient à la quantité de lettres de l’héroïne, Juliet Ashton, par rapport à celle, nettement moindre, de ses correspondants. Car cela crée un déséquilibre : dans ses courriers Juliet raconte sa vie, parle des gens qu’elle rencontre, de ses expériences, et en dit (et demande) peu des personnes auxquelles elle écrit, si bien qu’à force elle semble très autocentrée, et ses correspondants peinent parfois à exister autrement que comme des faire-valoir.
Mais qu’importe ces réserves, cette lecture reste tout à fait charmante.


Pour mon best-seller à venir, j’en retiens que :
 

Je surveillerai mes expressions. 
Ainsi je n’écrirai pas de phrases du genre : « Tu vois comme la vie insulaire est stimulante. Victor Hugo en est la preuve vivante. », dans un récit qui se déroule plus de soixante ans après la mort de Victor Hugo.

Si je choisis la forme épistolaire, je ruserai pour délivrer mes informations. 

Et j’essaierai de révéler les actes de mes personnages de façon plus subtile qu’en choisissant que l’un d’eux écrive à un autre ce que ce dernier vient de faire. Comme lorsque Juliet écrit à Sidney : « Comme tu as été bien inspiré d’envoyer un tel cadeau à Kit. Des chaussures de claquettes en satin rouge couvert de paillettes. » Dans la vraie vie, vous vous voyez écrire à quelqu’un ce qu’il vient de faire, vous ?

> Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, traduction Aline Azoulay-Pavcon, 2011 (pour l’édition poche), 10/18, 410 pages.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire