dimanche 11 septembre 2011

L’épouvantail, de Michael Connelly


L’histoire 
Face à la planète Web, les empires de presse vacillent et le LA Times en envisagerait de se séparer de l’un de ses meilleurs, mais coûteux, journalistes, Jack McEvoy. En place de la sortie en fanfare espérée, celui-ci va découvrir que les nouvelles technologies, et ceux qui en font l’usage, pourraient lui coûter beaucoup plus qu’un job…

Ma lecture 

Quelle virtuosité que la première partie de L’épouvantail !
Virtuosité par comparaison d’abord. Là où, dans Ciels de foudre ou Horreur boréale, on devinait leurs auteurs derrière les héros (ces derniers étant visiblement des versions idéalisées de ce que les premiers auraient rêvé être, vivre), dans L’épouvantail on peine à croire que Connelly ait pu ne pas vivre ce qu’il écrit, ne pas être Jack McEvoy racontant sa propre vie tant tout semble authentique, des conversations jusqu’aux pensées du héros lorsqu’il traverse tel lieu, observe tel détail. Ici on ne sent plus l’univers et le travail de l’auteur derrière le héros, on voit ce que voit le héros, on s’immerge dans sa vie.
Avouons cela dit que la vie de Connelly est (ou fut) proche de celle de McEvoy (ancien journaliste du LA Times, finaliste du Pulitzer en 1986). Mais il y a plus. Car la virtuosité de Connelly réside aussi dans son don d’amener le lecteur exactement où il le veut, quand il le veut : au moment précis où l’on devine une chose, les héros non seulement la devinent également mais la commentent, et en la commentant en devinent davantage que nous, tandis que dans le même temps, ailleurs, l’histoire s’accélère pour aussitôt nous orienter vers des situations plus imprévues encore. Ainsi le rythme évolue à celui de la lecture, et le lecteur ne garde jamais plus d’une page de déductions d’avance.
Malheureusement, la deuxième partie est plus faible. Un personnage essentiel disparaît brutalement et cette disparition est peu traitée. Un autre, à l’esprit jusqu’alors brillant, ne semble plus rien percevoir. Et la fin aurait pu être plus grandiose.
Vraiment dommage que ce final n’atteigne pas la bluffante efficacité d’une première partie, par ailleurs passionnant tableau de l’appréhension d’une époque vécue depuis l’intérieur d’une rédaction.


Pour mon best-seller à venir, j’en retiens que :
 

J’éviterai les répétitions. 
Et surtout je n’emploierai pas plusieurs fois dans un même roman un terme connu mais non courant, car alors le regard bute démesurément sur lui. Comme lorsque Connelly, ou son traducteur français, emploie le terme « sis »… pas moins de cinq fois dans un même roman (« une boîte aux lettres sise près de SeaTac », « des installations qui, sises à Mesa, Arizona, offraient une sécurité », etc.) !

Je pratiquerai l’humour à mes dépens. 

Connelly, anciennement journaliste, écrit :
Tout au fond de lui-même, le journaliste a toujours envie d’être un romancier. C’est la différence qu’il y a entre l’art et l’artisanat. Les écrivains veulent tous être considérés comme des artistes.
C’est pour des phrases comme celle-là que je lui pardonne de pratiquer l’humour également aux dépens des blogs, par exemple ici :
Le journal est censé être le chien de garde de la communauté et on est en train de le filer à des petits chiots. Pense au grand journalisme que nous avons connu. La corruption débusquée, le bien public. D’où tout cela va-t-il venir, maintenant que tous les journaux du pays disparaissent ? Du gouvernement ? Allons donc. De la télé ? Des blogs ? Tu rigoles ! D’après un de mes amis qui a accepté de se faire racheter en Floride, la corruption est l’industrie qui va le plus progresser quand il n’y aura plus de journaux pour la surveiller.
À condition qu’il ne récidive pas trop, quand même. Non mais.

> L’épouvantail, Michael Connelly, Points Policier, 2011, 519 pages.

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