samedi 3 septembre 2011

Ainsi saigne-t-il, de Ian Rankin


L’histoire 
Enquêtant sur de troublants suicides, l’inspecteur John Rebus se retrouve confronté aux ambiguïtés de la machine politique écossaise. Or, tout incorruptible et tenace qu’on soit, peut-on avoir raison de la raison d’État ?

Ma lecture 

Après l’honnête Ciels de foudre et le prometteur Horreur boréale, voici enfin un polar étalon, auquel ne manque aucun des indispensables du genre. L’inspecteur Rebus est ce qu’il faut de désabusé, placide, sensible, alcoolique, lucide, face à des collègues au choix compétents et intrépides, ou obtus et détestables à souhait. L’écriture est efficace et directe, rythmée de dialogues du type :
-    Laissez-moi vous dévoiler le fond de ma pensée sur cette affaire John.
-    Oui, monsieur ?
-    Un beau merdier, du début à la fin.
Si l’on excepte une bande-son parfois inutile, ainsi qu’une fin qui aurait pu être plus étoffée et achevée, car en l’état elle contraint presque à acheter le bouquin suivant, Ainsi saigne-t-il propose donc, et jusqu’à son titre, tout ce qu’on attend d’un vrai bon polar, intrigue soutenue, bas-fonds glauques et machinerie politique, humour vif et dépaysement en prime.


Pour mon best-seller à venir, j’en retiens que :
 

J’éviterai de trop hacher mes dialogues. 
Bizarre, ce penchant de Rankin pour les inserts, entre parenthèses et fréquents, d’éléments de description tronçonnant ses dialogues. Ainsi lorsque Mathieson parle à John Rebus, ça donne cela :
-    Nous doutions-nous alors que ces profits étaient générés par des moyens frauduleux ? (Il haussa les épaules.) C’est une question pour les avocats. (…) C’est beaucoup de temps, beaucoup d’argent aussi… (Il ouvrit les bras, paumes vers le ciel, confirmant son talent de comédien.) Et tout ça au nom de quoi, je vous le demande ? (…) La loi est une maîtresse intransigeante, à ce qu’on dit. (Petit sourire entendu.) Mais la loi, répondrais-je, n’est pas tout. (Il leva un doigt comme pour souligner ce point, puis le porta à ses lèvres.) La loi morale, inspecteur, c’est autre chose.
Difficile, avec toutes ces interruptions, de rester concentré sur le cours de la tirade…

Je respecterai l’écriture du genre. 

Et donc si j’écris un polar, comme Rankin j’abuserai de phrases du style :
Il allait dire à Davidson tout ce qu’il savait, ce qui ne représentait pas la moitié de ce qu’il soupçonnait. Ce qui, en soi, ne représentait pas la moitié de ce qu’il redoutait.
Ou de pensées du genre :
Une nouvelle fois, Rebus regarda le corps. On l’enveloppait dans une housse. Direction la morgue dans un premier temps, puis le funérarium ; vos derniers déplacements en ce monde sont aussi prévisibles que les premiers.
Car l’écriture d’un bon roman policier se doit d’être efficace, drôle et mélancolique. Non ?

> Ainsi saigne-t-il, Ian Rankin, Gallimard, Folio Policier, 2003, 495 pages.

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