lundi 2 août 2010

Firmin - Autobiographie d’un grignoteur de livres, de Sam Savage


L’histoire
Dans le Boston des années 60, un rat de librairie dévore des bouquins au sens propre puis figuré et rencontre et/ou rêve des hommes.

!! Attention, la suite de ce post dévoile des infos capitales sur le contenu du bouquin !!

Ma lecture
Ridicule, je sais, mais si j’ai craqué pour ce bouquin c’est uniquement à cause de son aspect extérieur. Le titre d’abord : Firmin - Autobiographie d’un grignoteur de livres, et l’illustration de la couv (un petit rat solitaire occupé à lire, juché au-dessus d’une pile de bouquins). Un bandeau entourant la version poche avec ces mots de l’écrivain Alessandro Baricco : « Si lire est ton plaisir et ton destin, ce livre a été écrit pour toi » a achevé de me tenter. Pas que lire soit mon destin, ni le vôtre, notre destin c’est bien sûr la publication de best-sellers ! Mais en attendant notre destin à court terme reste quand même de lire. Quant au fait que lire soit ou non mon plaisir, disons que ça dépend des bouquins.
Celui-là, par exemple, est inégal. C’est un premier roman, celui de Sam Savage, qui l’a rédigé à plus de 60 ans. Ce n’est pas forcément son premier écrit, mais en tout cas c’est le premier qu’il publie. Ça me fait penser que j’en connais qui atteignent tout juste leurs 60 ans et dont je me dis que si leur plume arrive ne serait-ce qu’au genou de leur verbe j’aimerais assez les lire un jour, alors pourquoi ne pas prendre exemple ?...
Mais je m’égare. D’ailleurs Sam Savage est-il un exemple ? Ah oui ! Non pas que j’aie adoré Firmin, je lui ai trouvé beaucoup de lourdeurs, peu d’humour, des titrailles de paragraphes faussement drôles (« Des avantages de l’alcoolisme. Récit d’une enfance. », « L’impact du génie. »…), une progression qui atteint un pallier et s’y arrête définitivement. Mais figurez-vous que ça se vend, sans beaucoup de promotion d’ailleurs, essentiellement grâce au bouche à oreille paraît-il, et ça se vend même beaucoup et dans pas mal de pays.
Voici donc un véritable best-seller.
Qu’est-ce qui en a fait un best-seller ? Quelqu’un ayant davantage apprécié cette lecture que moi répondrait sans doute complètement autre chose, mais à mon avis son succès tient surtout :
  • à la couv : édition américaine ou française, cette illustration avec un émouvant rat de bibliothèque est spécialement attrayante pour les grands lecteurs, notamment ceux qui développent facilement de l’empathie pour les petits êtres inoffensifs et à la marge ;
  • aux clins d’œil littéraires récurrents, surtout dans la première partie, car, même s’ils ne sont pas toujours ni très subtils ni très recherchés, ils flattent là encore un public de grands lecteurs (d’où, peut-être, ce fameux bouche à oreille) ;
  • à la forme autobiographique désabusée, même si elle ne parvient pas à nous arracher une larme (en tout cas pas à moi) ;
  • à l’auteur : vous n’entendrez jamais parler de ce bouquin sans qu’on vous mentionne son âge et le fait qu’il s’agit de son premier roman. Ce genre d’histoire plaît, semble-t-il.
A lire alors ? Moui, comme exemple de recette d’un petit best-seller… Et parce que certaines images amusent, par exemple la théorie du narrateur sur la « virilité » de l’acte d’écrire la première phrase d’un récit : il compare cette première phrase à « une sorte d’utérus sémantique fourmillant d’embryons de pages vierges, de bourgeons, fruits du génie, mourant d’envie d’éclore ». Comparaison au demeurant atrocement mâle… (un utérus fourmillant d’embryons fruits du génie, et puis quoi encore !!)


Pour mon best-seller, j’en retiens que :

J’adopterai l’autocritique.
Je vous avoue que j’ai tiqué dès la première phrase, qui commence ainsi : « J’avais toujours imaginé que si, d’aventure, j’écrivais un jour l’histoire de ma vie (…) ». Ouh quand j’ai lu ce « si, d’aventure » je me suis dit que ça allait être sacrément difficile ! Sauf que ce futé de Sam Savage, dès la deuxième page, fait dire à son héros qu’il ne parvient pas à écrire. Firmin se lamente ainsi : « regardez où j’en suis, relisez le début de ce récit (…) : "J’ai toujours imaginé que si d’aventure." Bon Dieu ! "Si d’aventure" ! Vous voyez le problème ? Nul. Poubelle. »
Ah ! Alors la critique est caduque !? Pas complètement, parce que le style reste très ampoulé, quand il n’est pas carrément usé (le second paragraphe commence par les mots : « Tout au long de cette vie de dur labeur »). Mais du moins cet avertissement en deuxième page nous autorise à imaginer que ces figures pompeuses sont peut-être délibérées, qu’elles sont là comme confirmation des propos initiaux du nar-rat-eur. Avouons que, souvent, on en doute.

J’adopterai les illustrations salvatrices.
Le rat Firmin, qui nous raconte sa vie, dresse un autoportrait tout sauf élogieux. Il se décrit laid, sournois, obsédé sexuel, tandis que son discours nous le présente imbu de lui-même, se complaisant dans l’auto-apitoiement, vaniteux, présomptueux, faillible. Les illustrations de Fernando Krahn (celle de la couverture et quelques autres qui habillent les chapitres) l’humanisent, le faisant apparaître vulnérable, attendrissant. Bien joué.

Je ne m’autoriserai pas pour autant à trop accabler mon narrateur.
Cela ne me pose pas de problème qu’un héros soit présenté à répétition sous un jour essentiellement défavorable, à condition que l’auteur ne cherche pas à me faire pleurer sur son sort. Parce que pleurer sur le sort d’un personnage trop peu sympathique, c’est difficile.

J’adopterai l’anthropomorphisme d’époque.
Sortir un bouquin dont le héros est un rat qui se sent différent de ses congénères et rêve de partager sa passion des livres avec un grand libraire, quelques mois avant la sortie ciné de Ratatouille des studios Pixar (Disney), mettant en scène un rat qui se sent différent de ses congénères et rêve de partager sa passion de la cuisine avec un grand chef, si cela ne s’appelle pas avoir le sens de l’Histoire…

J’accorderai autant d’attention à toutes les parties de mon histoire.
Et notamment aux dernières parties. Quand on nous promet « l’histoire la plus triste qu’il ait été donné d’entendre » et qu’une première moitié du livre se fait dans la progression et l’action, on s’attend à une accélération et du drame en seconde moitié. On est donc déçus quand cette progression stoppe net à la moitié du bouquin pour ne plus resurgir.

Je n’abuserai pas des adjectifs.
Car ils alourdissent le récit. Ici, pas un prédécesseur qui ne soit « opiniâtre », une exploration qui ne soit « patiente », un coup d’œil qui ne soit « précautionneux ». En inversé, bien sûr : « j’admirai l’œuvre d’opiniâtres prédécesseurs, effectuai de patientes explorations, jetai de précautionneux coups d’œil ». Zzzz….

Plutôt que d’écrire un rendez-vous raté, j’envisagerai d’écrire un rendez-vous réussi.
Je ne parle pas de happy end hein ! Mais, sans vouloir trop en dire non plus, je trouve que quand on fait miroiter au lecteur une rencontre qui n’arrive jamais, c’est quelque peu frustrant.

Je me méfierai avant d’aborder le terrain de la dénonciation des exclusions en tous genres.
Car il est glissant !!

Je ne m’adresserai pas trop au lecteur.
Je sais, je n’arrête pas de le faire ici. Oui mais ici c’est un blog, pas un bouquin. Ça ne change rien dites-vous ? En ce cas, mes pauvres, ce que je vous plains… Car cette façon de s’adresser directement au lecteur, c’est d’un usant !!

>> Firmin - Autobiographie d’un grignoteur de livres, Sam Savage, illustrations Fernando Krahn, Actes Sud, coll. Babel, 2010, traduction française Céline Leroy, 201 pages

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